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PERNETTE.


Ce contrat nous invite à des douceurs étranges ;
J’oublie avec ardeur, sur ce chaste sommet,
Ce qu’il nous interdit dans ce qu’il nous permet.
J’ai droit de m’enlacer a ton âme immortelle,
De l’attirer sur moi, de m’appuyer sur elle,
D’entrer dans ses douleurs et de les partager ;
De l’avoir pour refuge à l’heure du danger ;
De cueillir, sans remords, ses pleurs ou son sourire ;
De tout entendre d’elle, heureux de tout lui dire :
Et, dans cet infini, comme au ciel les élus,
Ayant tout, j’ai le droit d’espérer encor plus !

— Oui, Dieu nous a donné, dit sa vive compagne,
Un jour de paradis dans ce coin de montagne.
Notre plaine est si loin qu’on se croirait aux cieux ;
Tout un monde nouveau se révèle à mes yeux,
Et je sens, aux rayons de cette clarté pure,
Comment l’on ressuscite et l’on se transfigure. »

Pierre ajoutait :

« Ce lieu si sévère et si doux,

Nous voudrons le revoir quand nous serons époux.
Fiers de nous reporter au temps de nos épreuves,
Nous y retremperons nos amours toujours neuves ;
Et dans l’heureux désert plein de ce souvenir,
Sous les regards de Dieu nous viendrons rajeunir. »

Ainsi, l’air des hauteurs, et l’amour et leur âge
Avec l’oubli du mal leur donnaient le courage ;
Ils s’emparaient tous deux de l’avenir lointain,
Comme si le présent, hélas ! était certain.
Les hommes et le monde et ses lois insensées,