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poèmes civiques.

Rien n’étant plus permis, il peut tout se permettre ;
On est très libéral, même eu flattant le maître,
Quand du nom de progrès on se fait un appeau,
Et qu’on a démocrate écrit sur son chapeau.
Je sais ce qu’en vaut l’aune et le fond de boutique
De ces gens vernissés du mot démocratique ;
Le même lambeau rouge, un peu raccommodé,
Après la carmagnole a fait l’habit brodé.
Vous voulez du galon, messieurs les bons apôtres !
Vos pères, vos héros, guillotinaient les nôtres ;
Paix aux morts ! vous, leurs fils, en signe de regrets,
Vous jappez contre nous : c’est un petit progrès.
Vous êtes bien leur sang et vous chassez de race,
Courtisans et tribuns ! Venez, qu’on vous embrasse
Et qu’on bénisse en vous, au même paradis,
Et l’an quatre-vingt-treize et l’an mil huit cent dix.


De ces temps si divers vous avez les mérites ;
L’avenir saura bien où sont les hypocrites.
Molière eût renoncé, s’il vous avait pu voir,
Pour un Tartufe rouge à son Tartufe noir.
Maintenant que votre ire à mes dépens s’exerce,
Muses ! continuez votre petit commerce ;
Criez à tous les dieux : « Il veut vous offenser ! »
Et que votre Aristarque aille me dénoncer.
Accusez-moi d’avoir entassé dans mes rimes
Parjure et trahison, guet-apens, tous les crimes ;
D’avoir fait de mes vers des gaines de poignard ;
D’avoir, sous votre nom, sans pudeur, sans égard,
Insulté Jupiter, Saturne et tout l’Olympe…
Que sais-je ? et Vénus même, et chiffonné sa guimpe ;
Citez Tartufe en preuve, et, pour tout abréger,