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TRIBUNS ET COURTISANS.


UN AUTRE.

Moi, j’y perdrais beaucoup, j’ose en faire l’aveu,
Et je crois que César y gagnerait fort peu.
Nous faisons sa besogne et ne le gênons guère,
Il décide à son gré de la paix, de la guerre,
Des taxes, des emplois… et même des procès ;
Nous en avons la charge, il en a le succès.
Renvoyer le sénat ! jamais ! — fausse méthode. —
J’en ferais plutôt deux, tant la chose est commode

UN AUTRE.

Mon cher, à parler net, si je crains des malheurs,
C’est moins pour le sénat que pour les sénateurs ;
Car je suis dans la peau d’un de ces nobles hommes.
On en aura toujours six cents, tels que nous sommes :
Mais nous, ici présents, conseillers trop diserts,
Nous pourrions bien aller peupler quelques déserts,
Ou souper, en rentrant, sur un ordre d’Auguste,
D’un bouillon généreux préparé chez Locuste.

LE CONSUL, d’une voix forte.

Votons ! n’ergotons pas, seigneur, jusqu’à demain ;
Ceux qui votent la mort n’ont qu’à lever la main.
On se range pour voter.

LE CONSUL.

Très bien ! seigneurs, très bien ! les voix sont unanimes.
Thraséas subira la peine de ses crimes ;
C’est juste, et c’était sûr. On va lire l’arrêt ;
Je l’avais rédigé d’avance ; il est tout prêt ;
« Le sénat, par clémence et faveur singulière,