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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/119

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L’âme, en suivant sa loi par toi-même donnée,
Appela la lumière au sein de l’hyménée.
Et qui donc façonna ses yeux pour la clarté,
Du baiser à sa lèvre apprit la volupté ?
Qui donc fit le désir si profond, si sublime,
Que le seul infini peut en combler l’abîme ?

« Peut-être elle a touché l’arbre avant la saison
Où le fruit du savoir est mûr pour la raison ;
Son cœur vola trop tôt vers la suprême joie ;
Il ne s’est pas du moins égaré dans sa voie.
L’épouse fut fidèle, et ses regards si doux
N’étaient pas adressés à d’autres qu’à l’époux ;
Et sa lampe indiscrète, écartant le mystère,
N’a pas brillé du moins sur un lit adultère.

« À son nocturne hymen si bornant ses désirs,
Avec son ignorance acceptant ses plaisirs,
Elle eût de l’âge d’or gardé la paix oisive,
Son âme aurait manqué le but où tout arrive,
Mais elle a, franchissant chaque jour un degré,
Suivi de tes desseins le mouvement sacré,
Et fait sa part aussi dans l’œuvre créatrice.
Or le temps est venu que son labeur finisse.

« Donne-lui le bonheur ; elle peut le porter.
Si la seule douleur enseigne à le goûter,
S’il faut conquérir l’être en un combat suprême,
S’il faut avoir lutté pour devenir soi-même,
Elle peut s’arracher à l’épreuve du mal,
Et rentrer sans s’y perdre au sein de l’idéal.