Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/164

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Ton bras, libre des plis de ta chlamide d’or,
Montre le vieux serpent qui rampe et hurle encor ;
Un orgueil triomphant soulève ta poitrine,
Ouvre à demi ta lèvre et gonfle ta narine,
Et sur ce monde neuf planant en souverain,
Tu jettes sur ton œuvre un œil fier et serein !

Sans rompre encor le chant de son hymne étouffée,
L’Èbre roule la tête et la lyre d’Orphée.
Sur les bords du torrent les arbres sont en pleurs ;
Les monstres des forêts hurlent dans leurs douleurs ;
Et l’homme qui doit tout, arts et lois, au poète,
Passe auprès, les yeux secs, sans qu’un tombeau s’apprête.

Là, c’est le froid Caucase ; au granit de son front,
Avec des liens d’acier que d’autres dieux rompront,
Zeus, par la main d’Hermès, a rivé Prométhée.
La foule au bas se chauffe à la flamme inventée,
Et l’ongle du vautour fouillant ce noble sein
Punit le vieux Titan du glorieux larcin.

Chanteur au front pensif que la grâce décore,
Auprès d’Hercule assis, le fils de Terpsichore,
Linus, du rude athlète ose asservir les doigts
Au doux jeu de la lyre, et conduire sa voix.
Mais la corde est rétive aux mains du lourd élève ;
Jamais en son gosier un son pur ne s’achève ;
Il fausse la cadence ; et la cherchant en vain,
Casse la fibre d’or de l’instrument divin.
Retiens, maître, retiens toute parole amère !
Le stupide géant est prompt à la colère,
Il se lève, il écume ; ô douleur ! t’arrachant