Laisse ma bouche atteindre à tes fortes mamelles :
Jamais l’homme à ton sein n’a vainement puisé.
Je veux monter si haut sur les Alpes sublimes,
Que rien ne vienne à moi des miasmes d’en bas ;
Un nuage à mes pieds couvrira les abimes,
Si le monde rugit, je ne l’entendrai pas !
Votre regard s’arrête au flanc noir de la nue :
Moi, j’en verrai d’en haut le côté lumineux.
J’embrasserai de l’âme une sphère inconnue,
Je toucherai des mains ce qui fuit à vos yeux.
Montons ! le vent se meurt aux pieds du roc immense,
Le doute ne saurait flotter sur ce haut lieu ;
Montons ! enveloppé de calme et de silence,
Sur ces larges trépieds j’entendrai parler Dieu.
L’air aspiré là-haut vivra dans ma poitrine,
Dans l’ombre de la plaine un rayon me suivra ;
Ceux qui m’ont vu gravir pesamment la colline
Ne reconnaitront plus l’homme qui descendra. »
Ainsi je me parlais, plein d’un espoir insigne.
J’ai suivi sans tarder ce guide intérieur ;
Du faîte de leurs tours les Alpes m’ont fait signe,
Et sur leurs blancs degrés j’ai versé ma sueur.
Plus haut que le sapin, plus haut que le mélèze,
Sur la neige sans tache au soleil j’ai marché ;
Dans l’éther créateur je me baigne à mon aise ;
Le monde où j’aspirais, mes deux pieds l’ont touché.
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