Les monts à l’occident nous déroulent leur chaîne,
Beaux lieux que j’espérais voir avec vous vivant !
Vous m’êtes si présent que nous causons encore
D’hier et de demain, de nos projets nombreux :
Hélas ! comme si Dieu, dans un but que j’ignore,
N’avait pas déjà mis un monde entre nous deux !
Le mobile entretien vole en sa fantaisie
Des étoiles du ciel aux herbes des chemins ;
Nous parlons de mon cœur et de ma poésie,
Coursiers dont vous teniez les rênes dans vos mains :
Car je croyais en vous, que nul n’a su connaître !
Source au modeste flot qui dans l’ombre a coulé,
J’ai vu vos profondeurs, et vous fûtes mon maître :
Tous mes doutes fuyaient quand vous aviez parlé.
Dieu vous donna le sens des clartés éternelles ;
Jamais, idée ou fait, vous ne jugiez en vain,
Tandis que nous errions dans les choses mortelles,
Vos yeux, à travers tout, allaient droit au divin.
De la sphère idéale où vous viviez d’avance
Pour moi, vous revenez ; et, comme aux anciens jours,
Vous m’en communiquez aujourd’hui la science ;
Vous rallumez ma foi du feu de vos discours.
Et longtemps nous restons assis près des fontaines ;
Nous allons sur la mousse et le gazon nouveau,
Méditant de savoir, dans les luttes humaines,
Réaliser le bien et contempler le beau.
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