Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/311

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L’ardeur impitoyable à frapper les vaincus,
Tous les vils appétits… et la fourbe de plus.
Or, de méchant qu’il fut, son succès le rend pire ;
Il se corrompt lui-même à goûter de l’empire ;
Et l’absolu pouvoir, à sa raison fatal.
Le gardant impuni, lui conseille le mal.


LE CHŒUR.

Sois plus juste et plus pitoyable
Pour l’aveugle ou l’ambitieux
Du malheur de régner investi par les dieux,
Si sa raison fléchit sous le poids qui l’accable.
Pour qu’il devienne un sage en devenant un roi,
Pour qu’obéi de tous il respecte une loi,
Il faudrait qu’en portant cet homme au rang suprême,
Zeus l’eût fait impassible et fort comme lui-même.

Un prince eût-il dompté tous ses vices à lui,
Régnât-il sur son âme entière,
Il demeure assiégé par les vices d’autrui,
Et de son cœur lucide on éteint la lumière.
Tous les peuples, d’ailleurs, quand l’âge vient pour eux
De vieillir sous la tyrannie,
Les peuples, indulgents aux crimes du génie.
Ne supporteraient pas un prince vertueux.

Sois clément au mortel qui règne sur les autres,
Ses vertus sont à lui, ses fautes sont les nôtres.
Qui d’entre nous, fait roi de citoyen obscur,
Peut jurer, en sondant sa propre conscience.
Qu’il saura se garder, dans la toute-puissance,
Plus sage qu’Hippias, moins cruel et plus pur !