La nuit qui du travail délivre tous les êtres,
Et qui vient à son heure, et qui brave les maîtres.
Son pied, jusqu’au matin, se pose comme un sceau
Sur les rudes outils étalés en monceau.
Quand aux plis de sa robe un esclave se cache,
Il demeure invisible et nul ne l’en arrache.
Les rêves sur ses pas montrent leurs fronts aimés :
Elle arrête un moment les bras de fouets armés.
Ô ténèbres ! l’esclave en son cœur vous implore,
Retardez bien longtemps ! oh ! retardez l’aurore ! »
« Les esclaves, rentrés dans les antres profonds,
Avec les gardiens, dorment dans leurs prisons.
L’ombre a couvert mes pas ; ma trace est inconnue.
Près du fleuve cherché me voilà parvenue.
C’est assez de douleurs. Je ne tenterai pas
La fuite et le désert ; la faim suivrait mes pas,
L’horrible faim. La mort, qu’à mon aide j’appelle,
S’offre à moi sur ces bords plus prompte et moins cruelle. »
Elle marche, et déjà sous ses pieds a frémi
Le flot dans les roseaux et les joncs endormi ;
Et s’avançant toujours : « Finis mon temps d’épreuve ;
Pour jamais dans ton sein reçois mon âme, ô fleuve !
Les sources m’ont fait voir, en leur limpidité,
Mes yeux creux, mon cou hâve, et mon front sans beauté.
J’ai reculé d’horreur devant ma propre image,
Sous le masque hideux qu’y posa l’esclavage !
Sur mes membres, flétris de haillons et de coups,
Répands tes flots sacrés ; ton sable frais et doux