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adversaires, avec celle différence que les premiers placent en Dieu cet arbitraire que les autres attribuent à l’homme. D’après Ballanche, la parole dans Torigine n’était pas seulement le signe de l’idée, mais était en quelque sorte l’idée elle-même. Cette théorie aurait besoin d’être longuement développée pour cesser d’être obscure. Ballanche l’a laissée en germe, mais le livre qui l’achèvera devra sa pensée mère à l’illustre théosophe. Voici comment il explique les transformations successives, les démembrements de celle parole originelle. A mesure que le langage primitif perd de sa puissance synthétique, que le signe est moins indissolublement uni à l’idée, il s’ensuit que ce signe exerce un ascendant moins nécessaire sur l’intelligence humaine, c’est-à-dire que la pensée commence h se produire dans l’homme indépendamment du signe primitif. Jusqu’alors la langue n’a pu être écrite. La première diminution de puissance de la parole traditionnelle coïncide avec l’apparition de l’écriture. Le langage écrit a été une première matérialisation delà pensée, l’imprimerie a achevé cette matérialisation. Le langage s’étant ainsi matérialisé, la pensée a dû lutter sans relâche pour rentrer dans cette indépendance, dans celle spontanéité dont elle jouissait lorsqu’elle a été intimement unie à la parole. A mesure que la parole séparée de la pensée s’est fixée davantage dans une sphère sensible, les efforts de la pensée ont augmenté de vigueur et de puissance pour secouer des chaînes qui devenaient de plus en plus pesantes, et nous sommes arrivés i nous passer du secours de la parole pour penser. L’esprit a pu