Page:Laprade - Essais de critique idéaliste, Didier, 1882.djvu/63

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joie. Cependant un tel sacrifice est tenu quelquefois pour un martyre, et il rebute bien des courages. Aussi tout le monde s’incline devant ce mot de progrès, sans se mettre en peine de comprendre.

Ce nom magique, prononcé à tort et à travers, sait tantôt achalander une boutique, tantôt mettre en vogue un système. Du plus petit industriel au plus grand politique, chacun se hâte d’en illustrer ses prospectus. Il suffit d’une adhésion sonore à ce substantif mal défini pour conquérir brevet d’esprit profond et libéral. L’hésitation à croire sur parole est flétrie de l’accusation d’ignorance et d’aveuglement.

Ayez consumé des années déjà nombreuses dans la poursuite de la vérité et de la beauté morale, dans l’étude passionnée des formes diverses du sentiment religieux et du génie littéraire, embrassez dans votre sympathie toutes les œuvres sincères, même les plus opposées à votre foi et à votre goût ; en vain vous aurez affirmé les droit de la conscience, le devoir du perfectionnement intérieur et social, la noblesse et la liberté de l’homme ; en vain vous aurez visé par vos écrits à susciter les hautes aspirations, à relever les courages, à lutter contre les servitudes qui entravent les âmes et les nations dans leur essor vers la grandeur et vers le bien ; si vous n’avez pas professé que le siècle présent est supérieur par droit de naissance à tout ceux qui l’ont précédé, et que l’humanité, quoi qu’elle fasse, sera meilleure et plus heureuse encore dans le siècle futur, vous n’avez qu’une intelligence étroite et timide, suspecte de