Page:Laprade - Essais de critique idéaliste, Didier, 1882.djvu/86

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leur sein qu’il a pris son origine. Il n’est même pas exact de dire que les arts aient deux sources d’inspiration et deux origines distinctes. Ils sont nés tous et se sont développés avec le sentiment religieux ; ils sont tous fils du sanctuaire. Quand nous nommons la philosophie comme une de leurs nourrices, c’est en considérant la philosophie comme une seconde phase de l’idée religieuse ; c’est en prenant ce mot pour désigner les croyances réfléchies qui succèdent aux croyances naïves et spontanées. L’art traverse pareillement ces deux phases. On a souvent débattu la question de savoir laquelle des deux est préférable pour lui. Cette question nous semble résolue par l’histoire. En Grèce, en Italie, en France, c’est entre ces deux périodes et sur la limite où elles se confondent, que tous les arts ont atteint leur perfection.

La musique est arrivée la dernière à son point culminant. Ses plus grands chefs-d’œuvre sont presque d’hier. Beethoven est mort en 1827. Comme tous les autres arts, elle était née dans les temples, mais le sentiment religieux était déjà bien affaibli dans notre Europe quand la musique a obtenu ses plus grands succès. J’en tirerai en passant cette conclusion, que la musique est fort loin d’être l’art le plus spiritualiste et le plus religieux, comme le prétendent quelques critiques. C’est un fait digne d’être noté que la grande heure de la musique, entre Mozart et Beethoven, tombe en plein dix-huitième siècle.

Quoi qu’il en soit de la valeur morale et religieuse