Page:Laprade - Les Symphonies - Idylles héroïques, Lévy, 1862.djvu/134

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Oui, ton faîte est debout ! Je le die humblement :
Car j’en reviens toujours indigné de moi-même,
Quand mon cœur, de là-haut, se mesure un moment.

Et j’offre à cet autel splendide et vierge encore
Mon culte et le tribut de mes jours les meilleurs ;
Sa beauté luit en moi, mais elle vient d’ailleurs ;
En l’adorant, c’est vous, ô mon Dieu ! que j’adore.

En vous est la hauteur de ce front radieux ;
En vous est sa blancheur où l’arc-en-ciel se joue :
Dans l’homme seul est l’ombre, en lui sont les bas lieux.
A vous la neige, à moi la poussière et la boue.

Si ce mont reste pur, c’est que vous l’habitez :
Toute virginité n’est que votre présence.
L’homme, s’il eût trouvé ces cimes sans défense,
Eût traîné là sa fange et ses obscurités.

A l’abri de moi-même, ô Père ! et de la foule,
Garde donc l’Alpe vierge où luit ton tribunal,
Ce sommet de mon cœur d’où ta grâce découle ;
Renforce chaque nuit son rempart glacial ;

Pour qu’au-dessus, toujours, des lieux sombres, immondes,
Brille un degré du ciel que je puisse entrevoir,
Et qu’aux feux de midi ce divin réservoir
M’abreuve tout entier de ses fertiles ondes.