Page:Laprade - Les Symphonies - Idylles héroïques, Lévy, 1862.djvu/165

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Que chaque saison déplace ou renverse,
Mais toujours plus loin du manoir chéri.

Perdant, chaque jour, avec le courage
Un trésor du cœur, un legs des tombeaux,
Tu vois, sur tes pas, fuir, à chaque orage,
Quelque souvenir qu’on met en lambeaux.

Si la ronce, au moins, les fleurs des ruines,
La nature, ornant ce que l’homme abat,
Venaient s’emparer des chères collines
Où germa ton sang, un jour de combat !

Mais du fier donjon il subsiste encore
Lâchement, hélas, du temps épargné,
Un étage, au moins, que ton nom décore,
Un cintre où frémit ton chiffre indigné.

Là, peut-être, au coin de la cheminée
Où l’aïeul sacré dictait ses leçons,
Quelque fils d’esclave à bouche avinée
Souille tes vieux murs avec ses chansons.

Un juif, étalé sous ton blason morne,
A dressé l’échoppe en ta vieille tour ;
Et sur le créneau, qui devient la borne,
S’assied le tribun du vil carrefour.