Aller au contenu

Page:Laprade - Les Symphonies - Idylles héroïques, Lévy, 1862.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

théorie sociale de quelque vague harmonie de la vie végétative avec une des lois de l’esprit.

Chère au poète religieux, la noble source d’inspiration que lui offrent les beautés de l’univers visible a cependant fourni sa large part au matérialisme qui marque nos dernières années, et dont les progrès sont manifestes dans tous les arts, dans la littérature, dans la philosophie elle-même et dans toutes les habitudes de la vie.

C’est ainsi que la peinture abandonne de plus en plus les grands genres et les grands sujets, non pas même en faveur du paysage, mais au profit d’une variété infime de ce noble genre, qui ne s’élève guère au-dessus de la reproduction de la nature morte.

Cette importance suprême donnée à la réalité matérielle et à la couleur est sans doute un excès qui peut devenir funeste à la peinture elle-même, mais qui ne risque pas du moins de jeter cet art en dehors de ses voies propres et de son domaine légitime. Mais qu’adviendra-t-il d’une poésie faite tout entière pour les yeux avec des résidus de palette, et qui ne cherche même pas à dissimuler que la couleur et les effets de style lui tiennent lieu d’idées et de sentiments ? Ne sera-ce pas la négation même de toute poésie ? A la suite des maîtres qui avaient introduit dans le style et dans la langue ce qui lui manquait réellement de coloris et d’images depuis le XVIIIe siècle, nous voyons pulluler aujourd’hui des livres écrits pour la fantaisie des yeux et des oreilles et les caprices du système nerveux. Il se trouve des critiques pour en louer le style, comme s’il y avait un style véritable sans une substance solide, sans une pensée qui soit le support des formes et des couleurs.

La musique a aussi sa crise matérialiste, quoiqu’elle semble à l’abri de ces vices du sentiment de la nature qui égarent quelquefois le peintre et le poëte. Que dire de