Page:Laprade - Les Symphonies - Idylles héroïques, Lévy, 1862.djvu/19

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l’homme serviteur de ses sens et de la matière beaucoup plus que souverain de la nature. Obligé d’abdiquer son initiative, sa liberté dans le travail, l’ouvrier devient une bête de somme au service des machines, en même temps que l’homme se fait l’esclave des fausses jouissances et d’un bien-être menteur. Le seul vrai principe de la souveraineté que l’homme peut exercer sur la nature, c’est la domination qu’il doit exercer sur lui-même. Que l’homme se possèdent se maîtrise, alors, seulement, il pourra sans danger prétendre à posséder, à dominer le monde extérieur.

Il en est ainsi dans la poésie et dans l’art. Un esprit maître de lui-même, qui a une conscience claire de son but moral et porte en lui un principe de foi, celui-là peut, sans crainte, appeler à lui toutes les voix, toutes les images de la nature ; il ne reçoit pas d’elles sa pensée, il la leur impose. Il trouve dans cet immense océan de vie, dans cette infinité de formes, de couleurs, d’harmonies, dans cet innombrable orchestre d’instruments qui ont vie, des signes éclatants et variés, une langue d’une intarissable richesse. Avec cette langue le poète peut exprimer les plus grands mouvements et les moindres palpitations de la vie intérieure ; il pénètre, alors, il envahit par tous les sens les âmes dont il veut s’emparer.


II

Le moment est venu pour les poëtes et pour les artistes de résister, au nom de l’âme humaine et par un spiritualisme