Page:Laprade - Les Symphonies - Idylles héroïques, Lévy, 1862.djvu/203

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Que l’esprit désormais passe dans le métal !
Mais en donnant au fer la vitesse et la vie,
O pâle humanité, subis l’arrêt fatal :
A l’œuvre de tes mains tu seras asservie !

Accepte un joug plus dur que celui des taureaux ;
Plus de soleil, d’air pur et d’horizons sans bornes ;
Va pleurer longuement, dans les ateliers mornes,
Ce travail libre et fier qui faisait les héros !

Moi, tant qu’il restera quelque Celte aux mains rudes,
Du taureau de labour gardant le sang bien pur,
J’irai pour adorer, dans son chalet obscur,
L’antique liberté, fille des solitudes.

Disciple et confident des êtres dédaignes,
Je suivrai les troupeaux sur les sommets bleuâtres ;
La, docile aux accords par les bois enseignés,
Je veux goûter aussi la sagesse des pâtres.

Là, d’un siècle énervé je ressens moins le mal,
Je me crois un moment affranchi de ses chaînes,
Quand j’écoute, en mon rêve enivré d’idéal,
Mugir les grands taureaux à l’ombre des grands chênes.