Page:Laprade - Les Symphonies - Idylles héroïques, Lévy, 1862.djvu/29

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umain.

En cherchant à donner ainsi la raison de ce titre de Symphonies, l’auteur avoue assez hautement l’influence et la vivacité du sentiment de la nature. Quelques esprits trouveront peut-être de l’étrangeté et de l’exagération dans le rôle que nous attribuons au monde extérieur ; mais les poëtes nous absoudront bien vite de ce qui semble aux autres un excès et de ce qui n’est au fond que l’essence même du langage poétique.

Est-il vrai, d’ailleurs, que cette religieuse intimité de l’âme avec la nature détourne l’homme de l’action, énerve les croyances et le sentiment moral ? Le raisonnement, l’histoire et notre conscience nous disent énergiquement le contraire, et nous avons fait nos efforts pour le faire dire aussi à notre œuvre.


III

La critique a souvent affecté de ne voir dans le sentiment de la nature qu’une des faces de la mélancolie, qu’une fantaisie maladive des âmes découragées. Il est vrai que l’amour poétique de la campagne, l’instinct des harmonies de l’univers avec le cœur de l’homme ne se montrent dans notre littérature qu’à partir de J.-J. Rousseau, cet esprit souffrant en qui commencent les infirmités particulières aux âmes de notre époque, cet ancêtre de tant d’illustres malades chers à la muse moderne. Quand plus tard la grande poésie de la nature éclate en France dans toute sa splendeur avec Chateaubriand, quand l’auteur de René nous l’apporte des solitudes du