Page:Laprade - Les Symphonies - Idylles héroïques, Lévy, 1862.djvu/31

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âmes fortes. Les grandes pensées, les grands sentiments s’exaltent encore dans le colloque de l’homme avec l’œuvre de Dieu. Demandez-le aux solitudes de la Thébaïde, aux vies des martyrs et des pères du désert !

L’esprit découvre dans ce grand livre de la nature le sens qu’il y cherche ; il récolte dans ce champ fécond le grain qu’il y a semé. Selon l’état de son âme et la direction de son regard, l’homme y voit apparaître l’éclatante figure de l’infini ou l’image du néant. Il y rencontre sur son chemin l’esprit de Dieu ou l’exemple des brutes immondes. Le Créateur a investi l’imagination, comme la science, comme le travail, d’une magique souveraineté sur le monde qui nous entoure ; il a ordonné entre la nature et nous un mystérieux échange pour enrichir et féconder du même coup celui qui reçoit et celui qui donne. Notre âme entière, par des affinités merveilleuses, participe à ce commerce de vie, d’intelligence et d’amour. Elle répand sa pensée sur la nature et la nature lui rend. une abondante récolte de pensées. Mais pour que le fruit soit sain, il faut que le germe de l’arbre soit pur. De cet immense domaine ouvert à notre imagination, l’esprit humain peut faire jaillir avec les couleurs, avec les formes, avec les accords, les plus sublimes leçons ou les plus infâmes conseils. Ce docile et mystérieux théâtre peut se prêter à tous les drames, aux plus avilissantes soumissions de l’âme à la matière, aux plus nobles élans du cœur vers l’invisible.

Dans cette industrie de l’imagination qui fait produire au monde physique une moisson morale et les richesses de la poésie, le rôle de l’homme est le même que dans cette autre industrie qui sait tirer de la terre la nourriture du corps. L’initiative appartient à l’âme ; l’esprit veut et la matière exécute. En toute chose, dans les beaux-arts et dans les arts mécaniques, dans l’emploi que