Page:Laprade - Poèmes évangéliques, Lévy, 1860.djvu/10

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qui se sont approprié les épisodes de la vie du Christ aux applaudissements de l’Église et du monde entier ; et leur succès paraît donner gain de cause aux libertés de la muse chrétienne. Sur ce point comme en beaucoup d’autres, le domaine de la peinture ne détermine pas celui de la poésie. Sans risque d’altérer ou d’affaiblir le texte sacré, l’artiste peut entreprendre de traduire les Évangiles dans le langage de la peinture. Un tableau, une statue, un bas-relief reproduisent un fait sans commentaire. La beauté toute seule suffit aux arts plastiques. Si le peintre veut davantage et vise à l’expression pathétique, il peut l’atteindre sans recourir à l’interprétation du récit dont il s’est inspiré. À moins d’une intention bien formelle d’hérésie, et quelle que soit sa naïve ignorance de l’exégèse adoptée par l’Église, un peintre ne court pas le danger de fausser le sens de l’Évangile ; car il n’est pas tenu d’en tirer autre chose qu’une émotion. Son art peut toucher au plus haut degré de la beauté qui lui est propre, sans effleurer un point de doctrine. L’artiste qui voudrait faire de la théologie avec ses pinceaux, si orthodoxe qu’il restât en matière de foi, cesserait promptement de l’être en matière d’art. Toute représentation par la statuaire ou la peinture d’une scène des livres saints ne saurait donc être qu’une simple traduction.

Mais l’idée de traduire en vers les Évangiles n’approchera jamais d’un poëte. Contraint de subir les difficultés de la prosodie française et la prolixité de notre langue, le plus habile écrivain ne saurait atteindre la sublime simplicité de la version originale ;. et plus son talent sera vrai, plus sévèrement il s’interdira tout ornement étranger. En quelques passages de ce livre, nous avons été contraint