Page:Laprade - Poèmes évangéliques, Lévy, 1860.djvu/22

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pas de les décrire, et ce n’est pas ici le lieu. Cette philosophie, cette poésie de la douleur, elles ont trouvé déjà leur éloquent interprète ; nous n’affaiblirons pas ici ses belles pages en les résumant ; nous renvoyons les lecteurs amis à ce grand penseur chrétien [1].

Dans notre glane poétique à travers les livres saints, nous avions plus à faire qu’à récolter cet amer et salutaire dictame. Si l’état des esprits demande surtout des leçons de courage et d’austérité, si nous-même, en écrivant ce livre, nous avions surtout besoin de larmes, nous ne prétendons pas que l’Évangile soit un livre tout de pleurs et de sang. La vision du Thabor s’y place en face du Golgotha. Mais l’homme et la société de nos jours ont rêvé pour atteindre le ciel un autre chemin que celui du Calvaire, et c’est la double hérésie d’un futur paradis sur la terre et d’un paradis facile que le poète et le penseur chrétien doivent combattre. « Mon royaume n’est pas de ce monde ; » telle est la parole du Christ, et nulle utopie ne prévaudra contre cette parole.

Ne semble-t-il pas cependant que, parmi les chrétiens eux-mêmes, cette sévère doctrine soit oubliée ? Sans remonter jusqu’à ces âges héroïques de l’Église, trop éloignés et trop au-dessus de nous pour que nous y cherchions d’impérieux exemples, quelle distance entre la forte et virile piété du XVIIe siècle et la dévotion efféminée qui tend à prévaloir dans le nôtre ! On dirait que la raison affaiblie, que l’imagination, de plus en plus dominée par les sens, ne peuvent plus envisager la religion du Christ par ses grands aspects. La pensée de Dieu nous écrase, et nous nous jetons

  1. De la Douleur, par B. Saint-Bonnet.