Page:Laprade - Psyché, 1857.djvu/217

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Le feuillage palpite, et crie à nos côtés ;
La montagne répond aux mots qu’on a jetés ;
Le sol fume et mugit, l’eau pleuré, les troncs saignent ;
Partout ce sont des voix qui chantent ou se plaignent ;
Le monde est plein de dieux cachés sous mille noms ;
C’est ce chœur qui nous parle, et que nous comprenons !

Et vous deviez nous fuir, peuple aux danses joyeuses,
Dryades dont l’œil noir brille au creux des yeuses,
Nymphes aux seins rougis des baisers des Sylvains !
Adieu l’antre prophète et les arbres devins !
Adieu les songes d’or qui pleuvent des vieux aunes,
Les meutes d’Artémis et le syrinx des Faunes !
Un deuil silencieux va peser sur nos champs :
Car les dieux ne sont plus qui conduisaient les chants !
A qui conterons-nous nos souffrances secrètes,
Et qui nous répondra dans les saintes retraites !

Si la nature est vide, et si les dieux sont morts ;
S’il ne nous reste plus ici-bas que leurs corps ;
Si les mers, les forêts, n’ont rien qui sente et veuille
Quand la vague se gonfle et quand tremble la feuille ;
Si les flammes des soirs, la pluie et les zéphirs,
Ne « ont pas des regards, des pleurs et des soupirs ;
Si l’homme, dans la source où son âme est trempée,
Peut plonger en tous sens sans trouver la Napée ;
Si tout enfin, les cieux, les vents, les mers, les nuits,
Au lieu d’avoir des voix, n’ont plus rien que des bruits ;
Qu’écoutons-nous encor ? Sur nos lyres muettes
Penchons-nous pour pleurer et pour mourir, poètes !


LE CHŒUR.


Heureux le toit caché dans l’ombre et vert de mousse,
Où l’homme est à l’abri de l’ardeur qui nous pousse,