Page:Laprade - Psyché, 1857.djvu/237

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Prends ton vol, ô mon cœur ! la terre n’a plus d’ombres
Et les oiseaux du ciel, les rêves infinis,
Les blanches visions qui cherchent les lieux sombres,
Bientôt n’auront plus d’arbre où déposer leurs nids.

La terre se dépouille et perd ses sanctuaires ;
On chasse des vallons ses hôtes merveilleux.
Les dieux aimaient des bois les temples séculaires,
La hache a fait tomber les chênes et les dieux.

Plus d’autels, plus d’ombrage et de paix abritée,
Plus de rites sacrés sous les grands dômes verts !
Nous léguons à nos fils la terre dévastée ;
Car nos pères nous ont légué des cieux déserts.


II

Ainsi tu gémissais, poète, ami des chênes,
Toi qui gardes encor le culte des vieux jours.
Tu vois l’homme altéré sans ombre et sans fontaines ;
Va ! l’antique Cybèle enfantera toujours !

Lève-toi ! c’est assez pleurer sur ce qui tombe ;
La lyre doit savoir prédire et consoler ;
Quand l’esprit te conduit sur le bord d’une tombe,
De vie et d’avenir c’est pour nous y parler.

Crains-tu de voir tarir la sève universelle,
Parce qu’un chêne est mort et qu’il était géant ?
Ô poète ! âme ardente en qui l’amour ruisselle,
Organe de la vie, as-tu peur du néant ?

Va ! l’œil qui nous réchauffe a plus d’un jour à luire ;
Le grand semeur a bien des graines à semer.
La nature n’est pas lasse encor de produire :
Car, ton cœur le sait bien, Dieu n’est pas las d’aimer.