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Page:Laprade - Psyché, 1857.djvu/241

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» Aussi mon âme est triste et j’ai le regard sombre ;
Destructeur des forêts, je me suis odieux ;
J’ai déjà dépouillé cent arpents de leur ombre ;
J’ai fait place aux humains ; pardonnez-moi, grands dieux !

» Mais c’est la pauvreté qui par moi vous profane,
Saints temples des forêts, arbres que j’aime en vain !
Pour mes fils affamés dans ma pauvre cabane,
Chaque arbre, hélas ! qui tombe est un morceau de pain.

» La pauvreté ! c’est elle avec qui ce fer lutte ;
Elle fait taire en moi ces choses que j’entends ;
C’est elle qui renverse, en pleurant sur sa chute,
Pour les besoins d’un jour, le chêne de cent ans.

» Heureux ! — si le bonheur visite un riche même,
Loin de cette ombre antique où parle un dieu caché, —
Heureux le laboureur, heureux celui qui sème
Et reçut des aïeux son champ tout défriché !

» Il ne récolte pas son pain du sacrilège ;
Tranquille en son labeur, ignorant mes combats,
Il n’a jamais sapé le toit qui le protège,
Ces vieilles amitiés qu’en frémissant j’abats.

» Adieu les troncs divins qu’un peuple immense habite,
Les abeilles et l’homme et les oiseaux du ciel,
Tours que le vent balance et dont le flanc palpite
Ruisselant de fraîcheur, d’harmonie et de miel 1

» Il en reste un… marqué du sceau fatal du maître,
Mon plus cher souvenir… à frapper quelque jour,
Mon vieil hôte, du bois l’ornement et l’ancêtre ;
A lui de s’écrouler… Puis ce sera mon tour ! »