Page:Laprade - Psyché, 1857.djvu/260

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Ainsi, sans les compter, il laissait fuir les heures,
Dans ce désert, où Dieu lui donna ses meilleures.
Des sommets aux vallons, quand, las d’avoir erré,
Chaque soir, dans la grotte il s’était retiré,
Un fertile sommeil, inconnu dans les villes,
Sans les appesantir fermait ses yeux tranquilles ;
Par la porte d’ivoire un songe, hôte charmant
Près de lui descendu, l’enivrait mollement,
Et dans toutes ses nuits, d’une image pareille,
A sa vue, à son cœur, répétait la merveille.

Il voyait dans la grotte, au coin le plus obscur,
Une lueur mêlée et d’argent et d’azur,
Comme un reflet du lac lorsque la lune y brille,
Jaillir des blancs contours d’un corps de jeune fille ;
Puis à la voûte, aux murs, sur les cristaux sculptés,
L’auréole agrandie allumait des clartés.
Un arbuste semblable à la plante inconnue,
Et d’où sort comme un fruit la vierge demi-nue,
A sa chaste ceinture attache un vêtement
De rameaux et de fleurs noués confusément ;
De ses seins non voilés la neige ardente et pure
S’élève et resplendit dans la sombre verdure ;
Sur sa hanche onduleuse un de ses bras descend ;
Une urne d’où les eaux coulent en gémissant
A l’autre sert d’appui ; tout est repos en elle ;
Un immobile éclair enflamme sa prunelle ;
Le silence divin sur ses lèvres sourit ;
A peine si la vie autrement s’y trahit,
Tant son souffle est subtil, et dans son cœur paisible
Glisse sans soulever un mouvement visible.
Son âme cependant déborde, et par ses yeux
Sa parole jaillit en ruisseaux radieux,