Page:Laprade - Psyché, 1857.djvu/262

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Tandis que sur le lac la brunie s’épaissit,
Il prépara son cœur et lui fit ce récit :


I

C’est du soleil de mai qu’Hermia nous est née ;
Sa mère, au bout des prés par les fleurs entraînée,
Sous les rameaux en sève et les nids palpitants,
Avait tout le matin respiré le printemps.
Au bord du lac assise, appuyée au vieux saule
Dont les feuilles d’argent pleurent sur son épaule,
A ses pieds les iris, les joncs peuplés d’oiseaux,
Les cygnes amoureux jouant dans les roseaux ;
Ses yeux plongent au loin sur l’eau bleue et vermeille
Comme une large fleur où va boire une abeille,
Et sa bouche entrouverte aspire le baiser
D’un rayon de soleil qui vient de s’y poser.
Là, seule et devant Dieu, sans assistance humaine,
Ainsi que l’épi mûr laisse tomber sa graine,
Comme l’écorce ouvrant un passage au bourgeon,
Le calice à la fleur, le nuage au rayon,
Comme si dans les airs dont l’esprit la pénètre
Son sein eût recueilli le germe de votre être,
Sans craindre de mourir, sans plainte et sans douleurs,
Elle vous mit au monde, Hermia, sur les fleurs !

On se rappelle encor ce jour dans nos contrées,
Tant le soleil fut beau, tant les forêts sacrées,
Et l’onde étincelante, et les plaines en feu,
Semblèrent s’éveiller plus près de l’œil de Dieu