Page:Laprade - Psyché, 1857.djvu/271

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Ont chassé la bruyère et les genêts des landes ;
Plus d’un troupeau nombreux paît aujourd’hui parmi
Les stériles rochers où la fée a dormi.
Espoir de la vendange, à nos pieds, ces collines
Jadis se hérissaient de cailloux et d’épines ;
Mais on a vu l’enfant, sorti du bois voisin,
Sur elles en passant égrener un raisin.
Les bergers sérieux savent toutes ces choses.
Son jardin tout l’hiver était peuplé de roses,
Et les rameaux grimpants qui couvrent sa maison
Avaient feuilles et fleurs durant chaque saison.
Après ces jours brûlants où, d’amour épuisées,
Les fleurs touchent du front les herbes embrasées,
Lorsque l’autan mortel à tout bourgeon nouveau
À des prés jaunissants tari la sève et l’eau,
Que pour fuir le soleil, dans la soif qui l’altère,
L’âme des végétaux rentre au fond de la terre,
Hermia descendait, triste, et les yeux en pleurs ;
Elle allait visiter toutes ces chères fleurs,
Leur parlait en marchant, et des plus rapprochées
Relevait de ses mains les tiges desséchées,
Appelait par leur nom les autres, et dans l’air
Répandait de son chant le flot sonore et clair ;
Et comme une rosée au fond de leurs calices
Ces plantes recueillaient sa voix avec délices.
Elle faisait ainsi le tour de son jardin,
Des prés et des vergers paternels, et soudain,
Comme par une pluie ou par l’aube lavées,
Toutes les fleurs dressaient leur tête ravivées !

Puisant partout la vie et donnant à son tour,
Dans chaque être Hermia s’épanche avec amour.
Ce doux échange a fait la terre plus féconde.
Tel un bel arbrisseau, buvant la brise et l’onde,