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Page:Laprade - Psyché, 1857.djvu/274

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Inquiets d’un passant qui siffle au bord des haies,
L’hiver, d’un sorbier mûr guettent les rouges baies.

Mais auprès d’Hermia, soupirs, soins assidus,
Et fleurs et gais propos, hélas ! étaient perdus ;
Un sourire naïf, une parole errante,
Animaient par instants sa lèvre indifférente ;
Sa pensée était loin, et son cœur s’envolait
Pour suivre au fond des bois un dieu qui l’appelait.
Et tous croyaient, cherchant à deviner cette âme,
Qu’elle restait enfant sous les traits d’une femme.
Elle s’offrait à nous comme une jeune sœur
De son affection partageant la douceur :
Car, dans un cœur épris de l’auguste nature,
L’amitié gardé encor sa place large et pure ;
Outre les fleurs et l’onde et les oiseaux soumis,
Même chez les humains, la vierge eut des amis.

Mais son amant unique, éternel, invincible,
— Moi je l’ai su — c’était ce chanteur invisible,
Cet hôte lumineux qui remplit les déserts,
Verse du haut des pins, sous l’ombre, ses concerts,
Avec l’odeur des prés, des étangs, des résines,
Flotte sur les coteaux et franchit les ravines.
Esprit au souffle agile, aux vivantes senteurs,
En lui s’épanouit l’âme sur les hauteurs ;
L’aigle aime à s’y bercer, et l’avide génisse
L’aspire en mugissant au bord du précipice ;
C’est lui qui, sur le sable aux ardents tourbillons,
D’un étrange vertige enivre les lions ;
A travers tout c’est lui que nos désirs poursuivent,
L’immortel aliment dont toutes choses vivent !

Entre ceux dont l’amour pour elle inaperçu
Par sa chaste ignorance était ainsi déçu,