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Page:Laprade - Psyché, 1857.djvu/288

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Dont le souffle éternel, courant d’un pôle à l’autre,
Vient effleurer toute âme, et fait chanter la vôtre.
Ce que Dieu m’a donné de sa vie en m’ai ruant,
Moi je le rends à tous, quoique inégalement ;
Et vous qui vous plaignez, vous n’avez de rivale
Que ma mère : sa part à la vôtre est égale. »

Et, pour un jour encor, j’enchaînais dans mon sein
Des profanes désirs le turbulent essaim.

Un matin, du printemps les effluves errantes
Sur les sens réveillés tombaient plus pénétrantes ;
Des gouttes de cristal, scintillant sur les prés,
Les avides rayons s’étaient désaltérés ;
Un zéphir déjà tiède, entr’ouvrant les calices,
Dès l’aube avait des fleurs savouré les prémices,
Et s’envolait, chargé de fécondes senteurs ;
La terre tressaillait dans ses flancs créateurs ;
La nature exhalait comme un trop plein de vie,
Et d’aimer avec l’air on respirait l’envie.

Elle et moi, nous glissions sur le lac flamboyant
Qu’embrase au loin le feu dardé de l’Orient ;
L’eau, de ses vifs reflets empourprant la nacelle,
Sous la lame éclatante en flots d’or étincelle ;
Ivres des fleurs, de l’air, de toutes ces splendeurs,
Du monde rajeuni partageant les ardeurs,
Vers les pieds sinueux de ces monts où nous sommes,
Nous allions adorer le printemps, loin des hommes.

Notre barque attachée à cet aune encor vert,
Pour gravir les hauts lieux et trouver le désert,
Nous marchons par les prés tout blancs de marguerites.
Dans les gazons touffus mille fleurs plus petites
Tentaient de soulever leur front pâle ou vermeil,
Pour prendre aussi leur part des baisers du soleil.