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Page:Laprade - Psyché, 1857.djvu/298

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II

Invocation sur la montagne


À mon ami Barthélémy Tisseur.


 
Sachez ce que j’ai dit pour vous sur la montagne,
Ami dont la pensée est partout ma compagne.

Un matin de janvier, par un temps vif et clair,
Où je me sentais fort de la vigueur de l’air,
Un de ces jours dorés, bleus, et tels que d’avance
Son soleil, l’hiver même, en donne à la Provence,
Je sortis de la ville où, — souvenir sacré ! —
Pour la première fois je vous ai rencontré.
De nos ans révolus je repassais l’histoire ;
Pèlerin, je voulais gravir Sainte-Victoire.
Jusqu’à l’étroit vallon fermé d’un mur romain,
Si connu de nous deux, je suivis le chemin ;
Et de là, pour seul guide ayant le pic sublime,
Sur un sol non foulé j’allai de cime en cime.
La lumière en tons chauds jouait sur les hauteurs ;
Mes pieds dans les taillis soulevaient des senteurs ;
Je marchais dans les buis, les houx et les genièvres ;
Pour seuls bruits au lointain les clochettes des chèvres,
Et le cri de la grive entre les chênes verts,
Et le vent dans les pins semblable au bruit des mers.