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A LA PENSÉE FRANÇAISE



officine, où la voix prépondérante des planteurs décida plus d’une fois des graves et épouvantables événements qui couvrirent de deuil la terre des Antilles.

Cependant l’Assemblée Constituante attendait un rapport de son Comité sur la situation des îles et les moyens d’y rétablir le calme. Barnave présenta ce rapport, mais sans toucher aux capitales questions des préjugés. L’Assemblée, à sa demande, rendit un pre- mier décret sur les colonies. Ce décret autorisait chaque colonie à faire connaître son vœu sur la constitution, la législation et l’administration convenables à ses habitants. Des instructions royales, rédigées aussi par Barnave, scellées le 28, déclaraient électeurs et éligibles aux assemblées coloniales toutes les personnes propriétaires ou contribuables, âgées de vingt-cinq ans. C’est en vain que le curé d’Embermesnil, l’abbé Grégoire, demande qu’il soit fait mention expresse des hommes libres sans distinction de couleur ; l’astucieux Barnave lui répond que cette énonciation ferait supposer que les droits des hommes de couleur étaient contestables ! Les blancs qui se trouvaient à Paris considérèrent le décret et les instructions qui l’accompagnaient comme le véritable triomphe de leurs privilè ges sur les absurdes prétentions des mulâtres affranchis. En effet, ces actes furent interprétés et toute l’oligarchie coloniale fut d’accord qu’ils ne concernaient pas les hommes de couleur, parce qu’ils ne s’y trouvaient pas expressément dénommés.

Cette pauvre caste d’hommes de couleur était donc aux colonies plus que jamais écrasée sous le poids de la réprobation et des plus cruelles injustices !

Mais les membres les plus éminents de l’Assemblée Nationale, Lafayette, Grégoire, Pétion, Lanjuinais, Sieyès, Regnault de Saint-Jean d’Angèly, Rœderer. montèrent tour à tour à la tribune pour proclamer les éternels principes du droit naturel, en demandant l’assimilation complète des affranchis aux colons. Barnave,