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CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE




— Pardienne !

— Allez, marchez toujours.

— Un petit hachis d’huîtres qui embaumait.

— Ah ! ah ! fit l’abbé dont les narines se gonflèrent légèrement, c’est assez ; je n’en écouterai pas davantage pour me punir… Avez-vous préparé un troisième souper, ma bonne Benoîte ? — Hélas ! non, Monsieur, je serais tombée malade de rage et d’impatience si…</poem>

Pendant que la cuisinière répondait à la question de son maître, l’abbé se retournait vers la pendule. Tout à coup, il interrompit Madame Benoîte par ces mots :

— Prenez mon manteau, ma mie, et fouillez dans la poche de ce côté… C’est cela… Dénouez les ficelles qui lient ce paquet… Très bien… Que dites-vous de cette pièce ?

— Ah ! Monsieur, c’est magnifique !

— J’ai pris ce perdreau chez Chevet, chemin faisant. Est-il bien bardé ? Est-il bien truffé ? Hein ? Et croyez-vous que ce chapelet de petits bus de Dauphiné puisse faire sotte figure autour de notre Périgourdin ? ajouta le chanoine en tirant de l’une des poches de sa longue lévite un autre paquet qu’il ouvrit avec précaution.

— Miséricorde ! quel dommage !

— Comment, ma mie, quel dommage !

— Quel dommage que nous soyons un jour maigre !

— Un jour maigre ?

— Bonté divine ! N’est-ce pas aujourd’hui Quatre-Temps, mercredi 17 décembre ?

— Savez-vous lire ? répondit l’abbé, en posant son index sur le cadran de la pendule.

— Oui, Monsieur ; il est onze heures et un quart.

— Ne vous faut-il pas une heure pour embrocher et rôtir à point tout cela ; et dans une heure, entêtée que vous êtes, tous les chrétiens du monde ne passeront-ils pas de mercredi, jour maigre, à jeudi, jour gras ?… Allez, vous ne savez pas vous tirer des passes diffi-</poem>