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Page:Lara - Contribution de la Guadeloupe à la pensée française, 1936.djvu/294

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LES TROIS DUMAS

Souvent nous devons songer aux trois Dumas parce qu’ils furent l’honneur de ce que nous sommes : des créoles avec du sang noir dans les veines. Ils ont détruit des préventions qui pesaient sur nous, et abaissé les barrières qu’opposaient à notre évolution en Europe des préjugés enracinés. Leur trouée a été profonde ; nous en sommes les bénéficiaires, sans y penser. Ils ont pris d’assaut la société du siècle dernier, y ont été admirés, recherchés, honorés. Le second d’entre eux, Dumas père, le romancier au génie épique, reste l’écrivain le plus populaire de France, et peut-être, encore, le plus lu du monde. Lui est notre véritable maître, l’ancêtre vainqueur des fatalités de la race. N’éparpillons pas notre gratitude. Nous oublions un peu trop combien il faut aimer ce tumultueux constructeur. Toute revue locale, toute œuvre littéraire née sous notre ciel lumineux, doit commencer par évoquer son nom. C’est un document. Plus précieux que tout émancipateur politique, il témoigne, il proteste, il triomphe. C’est l’introducteur indispensable qui, apparu à l’heure où cela était nécessaire, nous fit passer, de ses mains, des profondeurs où notre ignorance atavique était entretenue, dans la pleine lumière de la civilisation occidentale. Je ne connais pas de geste plus utile, plus profitable. L’Art fut son domaine, et son moyen. La politique, elle, n’est qu’un résultat, elle est venue plus tard pour constater, égaliser les droits, sans harmoniser les intérêts ni abolir les préjugés. Elle n’implique pas nécessairement notre adaptation. Plus qu’elle, les Dumas ont trouvé la possibilité de notre processus, l’assimilation cérébrale. Ils se sont promenés en conquérants dans un monde où la démocratie n’était pas encore souveraine. Ce serait une erreur de croire que, si hauts qu’ils fûssent. ils étaient à l’abri, étant donnée leur condition d’hommes de couleur ; à de