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CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE

D’un sentiment si doux quelle étoit donc la cause ?
Paris et ses plaisirs s’offroient à mes regards,
J’enviois les trésors dont Apollon dispose,
Et je me rapprochois de l’empire des arts.
Mon esprit, avide de gloire,
Croyait du temple de mémoire
Découvrir le brillant accès,
Et les neuf sœurs ouvrant ces routes inconnues,
Et souriant du haut des nues
Pour me présager des succès.
O charme des talents ! inconcevable ivresse !
O des arts rassemblés pouvoir ingénieux !
Fille de Polymnie ! aimable enchanteresse,
Toi qui remplis nos jours d’instants délicieux ;
Des cœurs empreints de ton image,
Tu recevois déjà l’hommage
Quand je vins à ces lieux vantés ;
Pour fumer l’encens sur les bords de la Seine,
Et par toi, rivale d’Athène,
Paris comptoit des déités.
À ce temple magique, où règne le génie
Sous les trois attributs consacrés aux beaux arts,
J’admirai tour à tour Alceste, Iphigénie,
Et d’une Armide en pleurs les séduisants regards ;
Mais quand tout à coup à ma vue
S’immola Didon éperdue,
Triste victime d’une erreur,
Contre l’illusion, je restai sans défense,
Et je frémissois en silence
De jalousie ou de terreur.
Oui, perfide Troyen, je te portois envie,
En t’abhorrant toi-même, et ton père et tes dieux ;
J’étois jaloux de toi, j’aurois donné ma vie
Pour un seul de tes jours… de tes jours odieux !