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CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE

montré ton compte, il y a vingt-deux crans, la taille est pleine, il n’en recommencera pas une autre.


MARIE, avec douleur.

Ah ! ils t’ont dit ça ? (Avec contrainte.) Bah ! j’les paierai, v’là tout.


MARGUERITE

Avec quoi ?… Avec l’argent que va te rapporter ton mari… Il est sans doute allé en chercher qu’il n’est pas rentré de c’te nuit…


MARIE

Pas rentré ! Qu’est-ce qui te le fait croire ?… parce qu’il n’est pas ici ?… c’est pas étonnant, il est parti avant le jour, il est allé… (cherchant) il est allé reconnaître de l’ouvrage qu’il avait à… la Gare… Oui, c’est ça, à la Gare.


MARGUERITE

De l’ouvrage !… lui !… Allons donc… y a longtemps qu’il ne connaît plus ce mot-là et qu’il a oublié le chemin du chantier. Il passe la vie à boire, à s’amuser, tandis que tu souffres, tandis que tu pleures ! Il vous abandonne, toi et ton pauvre enfant…


MARIE, avec contrainte.

Ce n’est pas vrai v’là comme vous êtes vous autres, parce que vous m’avez dit avant mon mariage : « n’te marie pas, c’n’est pas l’homme qu’il te faut »…, vous n’voulez pas avoir le démenti. Et à vous entendre, Bertrand s’rait un mauvais père,… un mauvais mari, qui me rendrait la plus malheureuse des femmes !… Mais c’n’est pas vrai, entends-tu, c’n’est pas vrai !…


MARGUERITE

Alors, pourquoi es-tu si changée, toi qui étais autrefois si gaie, si joyeuse… tandis qu’à présent…


MARIE

Est-ce qu’on a besoin de rire toujours pour être contente ? On devient plus sérieuse quand on est mère !…