Page:Lara - Contribution de la Guadeloupe à la pensée française, 1936.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

56

CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE



s’avancent sans bruit. A leur tête, le sabre nu marche le commissaire Chrétien. Rendus au pied des fortifications, les républicains s’ébranlent, courent, grimpent, se hissent et parviennent sur la plate-forme. L’ennemi, étonné de notre audace, est partout culbuté : il abandonne le fort, fuit en désordre, traverse la Pointe-à-Pitre sans s’y arrêter, et court pour mettre la Rivière Salée entre lui et ses vainqueurs. Dans leur ardeur à se sauver les Anglais, arrivés au bac, veulent tous y entrer. Le bac trop chargé coule, et la plupart des fuyards trouvent la mort par trop de précipitation à l’éviter.

Le lendemain, sans rencontrer d’obstacles, Hugues entra à la Pointe-à-Pitre. Des dépôts d’armes et de munitions de guerre, quatre-vingt-sept navires de commerce et d’immenses magasins de denrées coloniales tombèrent en notre pouvoir.

Le jour même de leur entrée à Pointe-à-Pitre, les commissaires firent publier et afficher le décret de la Convention nationale portant abolition de l’escla- vage[1].

Victor Hugues fut peut-être l’un des hommes les plus extraordinaires qui aient été mis en lumière par la Révolution. Sans nulle connaissance de la guerre et de l’administration, il accepte la mission d’aller organiser une colonie sur laquelle on voulait faire fleurir la liberté, l’égalité, la fraternité ou la mort. Elle est au pouvoir de l’ennemi, défendue par une garnison nombreuse que soutenait une flotte formidable. Il n’en est pas ému. Avec une poignée d’hommes, il conçoit le périlleux profit d’enlever cette colonie au léopard britannique. Ce ne fut point une simple aventure glo-

  1. A la suite d’un rapport de Victor Hugues au Comité de Salut Public, relatant les faits de la reprise de la Guadeloupe aux Anglais, la Convention Nationale vota la loi suivante : "La Convention Nationale décrète que les troupes qui ont reconquis une partie de l’île de la Guadeloupe et repoussé les Anglais, ont bien mérité de la patrie." (11 septembre 1794.)