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CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE



Un soir d’hiver, dans le cercle le plus brillant de la ville, on annonça Séraphina ; tous les yeux se tournèrent vers elle, mais un cavalier fut plus attentif que les autres à suivre ses mouvements et à deviner les pensées qui se cachaient sous ce masque d’ébène.

Séraphina avait un costume d’une sévérité admirable : une robe de velours noir trahissait les suaves contours de sa taille délicieuse, un diadème de jais étincelait au milieu d’une forêt de cheveux blonds et ses bras ressemblaient à deux petites colonnes de marbre de Paros.

Elle entra et alla s’asseoir à côté de la maîtresse de la maison.

Là, au milieu d’un cercle, elle parla avec esprit, de peinture, de littérature, de musique, de sciences, de modes mêmes ; ses connaissances étaient infinies, son esprit plein de culture, sans pédantisme.

Le jeune homme qui s’était attaché à ses pas, l’écoutait avec ravissement. Jamais plus douce voix n’avait frappé son oreille ; jamais la raison n’avait emprunté à l’organe d’une femme plus séduisante morale.

Il se nommait le comte Hector.

Entre deux danses, il s’approcha d’elle.
— Ne valsez-vous pas ? lui dit-il.
— Oh ! non, Monsieur, jamais !
— Pourtant la valse a bien sa poésie.
— Sans doute, mais elle a pour moi un danger. En tourbillonnant autour de mon valseur, mon masque pourrait se détacher.
— Et où serait le malheur ?
— On verrait mon visage.
— Pourquoi le cacher ?
— Vous êtes étranger, Monsieur, puisque vous me faites une pareille question.
— C’est vrai, fils d’un officier français, je ne suis à Madrid que depuis deux jours.
— Alors, Monsieur, j’excuse votre étonnement ; sachez seulement que si je garde sans cesse cette