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LES EXCENTRICITÉS


sur ce terrain raboteux tout imprégnée de je ne sais quelle brutalité. — Vous êtes fièrement brave, rudement bon, — se disent avec la meilleure intention du monde. Un discours éloquent devient un discours tapé ; une scène émouvante vous enlève, vous empoigne ; une belle action épate le public. On dit d’une œuvre banale : Cela n’est pas méchant, cela ne mord pas. Le travailleur est un piocheur et le zélé est un féroce.

En toute justice, cependant, on ne saurait traiter avec sévérité l’élément populaire qui sert de base aux observations précédentes.

Comment le peuple se piquerait-il de délicatesse en son langage ? Le labeur de chaque jour ne lui laisse apprécier que la satisfaction de ses gros appétits. Aussi, ne nous étonnons pas en voyant ses néologistes s’exercer uniquement là-dessus. Ces rudes chercheurs ont fait des mots accentués comme leurs ragoûts favoris et faits pour traverser les palais plébéiens que n’effraient pas les fortes épices.

Si on veut donc bien ne pas se choquer de la rusticité de cette forme, l’étude de cette langue fera découvrir, au degré le plus éminent, certaines qualités de couleur.

Comme il est bien nommé brutal ce canon qui, après avoir grondé de sa grosse voix, culbute tout sans dire gare !

Et béguin, cet amour terrestre qui vous isole au milieu de la vie mondaine avec les extases du cénobite !