Page:Larivière - La Villa des ancolies, 1923.djvu/17

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— Comment ? Une lettre pour moi, mais qui peut bien m’écrire ? Une lettre était chose tellement rare pour la recluse que l’arrêt du facteur, (car ce n’était que le facteur), prenait pour elle des proportions considérables.

— Faites attention à votre chien, Mademoiselle, on dit qu’il est dangereux.

— Vois-tu Fidèle, quelle réputation tu te fais à vouloir imiter les hommes ! N’ayez pas peur, Monsieur, mon chien est la douceur même.

— Vous en parlez à votre aise ; mais je vous assure que ce chien vous causera quelque désagrément. Encore hier, M. Hainault me répétait qu’il était devenu un danger public. Tenez, voici votre lettre.

— Merci Monsieur, merci pour la lettre et pour l’avertissement ; mais soyez persuadé que l’on exagère beaucoup et si ce pauvre Fidèle se permet d’aboyer un peu il n’en est pas moins la plus inoffensive des créatures terrestres.

Mlle Laure regagna son siège en se demandant qui pouvait bien lui écrire.

« Mais oui, c’est l’écriture de ma petite cousine Yolande, s’écria-t-elle après un instant. Et, toute émue, elle lut : —

« Bien chère Marraine.

Avez-vous oublié que vous aviez à Montréal une petite filleule qui vous aime beaucoup et que vous négligez cruellement ? Il fait terriblement chaud ici en juin et juillet et vous qui êtes une fortunée du sort, ne savez pas tout ce qu’il faut d’héroïsme pour affronter ces chaleurs. Malheureusement, je ne suis pas héroïque, moi, loin de là, et je ne me sens pas le courage de demeurer en ville quand toutes mes compagnes partent en villégiature. Par contre, mes faibles économies ne me permettent pas un séjour dans des endroits dispendieux.