Page:Larivière - La Villa des ancolies, 1923.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
La Villa des Ancolies

— En aveugle, comme le défunt roi Hérode. Par contre, vous pouvez être tranquille, je ne vous demanderai la tête d’aucun Jean-Baptiste. À quelle heure le premier train pour Montréal ?

— Mais non ! ne m’abandonne pas. Je te promets tout ce que tu veux ; mais reste avec moi.

— Ainsi, vous promettez ?

— Tout, te dis-je.

— Vous ne regretterez pas cette promesse que vous me faites en ce moment en toute liberté ?

— Puisque je te dis que je promets, que veux-tu de plus ?

— Il est encore temps. Si vous croyez ne pas pouvoir tenir votre promesse, je puis vous en dégager.

— Non ! c’est promis, te dis-je.

— Alors, vous êtes une marraine adorable et je suis bien heureuse de demeurer avec vous, dit Yolande en sortant du lit. Elle était revêtue d’un élégant pyjama de soie japonaise aux couleurs bigarrées, culottes bouffantes, ample blouse lui donnant des allures de délicieux petit clown de cirque. Elle chaussa une paire de pantoufles, jeta un regard furtif dans sa glace et, embrassant Mlle Perrin : « Maintenant que j’ai votre promesse, je vais immédiatement vous mettre à l’épreuve. Quel âge avez-vous, marraine ?

— Quel âge ? Mais tu sais bien que je suis une vieille fille.

— Ce n’est pas répondre à ma question. Heureusement je suis forte en chiffres et je puis y répondre moi-même. Vous aviez neuf ans quand vous eûtes le bonheur insigne de me porter sur les fonds baptismaux. Je viens d’atteindre ma vingtième année, ce qui fait pour vous un total de vingt-neuf ans. Vingt-neuf ans et se proclamer vieille fille ! A-t-on jamais entendu pareille énormité ? Se dire vieille fille à vingt-neuf ans, c’est trahir tout son sexe ! Et ce qui est pis, c’est