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Page:Larivière - La Villa des ancolies, 1923.djvu/75

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de roman de mœurs et si Daudet ou Bourget étaient ici, ils en tireraient un joli chef d’œuvre.

— C’est vraiment drôle en effet…

— Drôle ! Mais ce n’est pas le mot, c’est d’un burlesque fou… C’est vraiment à ne pas y croire : en plein vingtième siècle, au sein d’une ville moderne comme Saint-Hyacinthe, trouver une telle manie, une telle toquade ! Mais elle est à encadrer cette vieille folle. Et remarquez qu’elle est issue d’une très bonne famille : son père était un journaliste remarquable : elle-même, parait-il, à part ses lubies, ne manque pas d’érudition, et avec cela, elle possède une fortune très rondelette ce qui ne l’empêche pas de tondre un œuf.

— La connaissez-vous personnellement ?

— Non, mais elle est devenue la fable de la ville entière, surtout depuis l’assaut dont son chien s’est rendu coupable contre mon client. Nous allons avoir une jolie partie de plaisir quand la cause paraîtra en cour.

— Ce sera tordant, en effet.

— D’autant plus qu’elle est, parait-il, d’une timidité extrême. Puisqu’elle ne se décide pas à régler avant l’enquête, c’est que son avarice est énorme.

— Cette pauvre fille, elle doit être très malheureuse, ce n’est pas chrétien de la faire souffrir de la sorte.

— Bah ! comment pouvez-vous avoir pitié d’une personne si peu sympathique ?

— Peut-être n’est-elle pas telle qu’on vous l’a dépeinte. Une calomnie est bien vite propagée et une cruauté, une injustice se réparent très difficilement.

— Mais elle demeure en cette ville depuis son enfance, tout le monde la connaît ici et tous s’unissent pour la ridiculiser, elle et ses folles manies. Tenez, elle demeure dans cette vieille maison de pierre que l’on vient de restaurer. Cette restauration a même causé une surprise générale.