n’est-ce pas de la coquetterie que d’aller élire domicile en quelqu’endroit inabordable, sur le flanc escarpé d’une montagne, sur le bord d’un précipice, sur le haut d’un rocher, de balancer ses petites fleurs au bout de sa hampe ténue, de sembler nous dire : « Vois mon éclat, vois ma beauté, viens me cueillir ! » quand l’on ne peut y parvenir sans risque d’y laisser sa peau ?
En effet, ne cherchez pas l’ancolie dans les jardins, sur les bords des routes, dans les champs, même les plus sauvages, ce n’est que dans les endroits presqu’inaccessibles que vous pourrez la dénicher.
L’emplacement de la villa était autrefois en sympathie avec la sauvage ou coquette ancolie, et la demeure elle-même semblait prise de la contagion.
La clôture de planches la séparant du chemin, était en ruine ; la grille de fer, recouverte de rouille, était boiteuse ; le parterre, s’étendant du chemin à la maison, était le domaine incontesté des bardanes, du chanvre, des herbes à poux, de l’armoise, des choux gras et autres vilaines plantes que l’on voit immédiatement envahir tout coin de terre laissé à la nature sauvage. Seul un étroit sentier à travers cette grossière végétation conduisait du chemin à la véranda branlante.
La villa elle-même était une immense construction de pierre des champs qu’avaient complètement envahie les vignes sauvages, les liserons et les campanules.
À droite, un bosquet de vieux chênes, d’ormes. d’érables et de hêtres avait dû jadis être splendide ; mais les jeunes pousses y croissaient pêle-mêle et il ne présentait plus qu’un affreux fouillis. Il y avait bien une tonnelle toute fleurie de liserons des bois ; mais, depuis longtemps, les arbustes en obstruaient l’accès.
À l’arrière, la rive avait également conservé toute sa rusticité. Un escalier vermoulu conduisait à la rivière ; mais tout autour croissaient en désordre les aulnes, les im-