Page:Larivière - La Villa des ancolies, 1923.djvu/89

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veau lui ferait des excuses. Alors il trouverait des paroles courtoises pour excuser la mauvaise humeur de Fidèle. La conversation s’engagerait, la glace serait brisée et…

Heureusement, ou plutôt, malheureusement, pas le moindre roquet ne vint saluer son passage. Fidèle était enfermé quelque part et la véranda était déserte. Paul fouilla des yeux le bosquet, mais la tonnelle elle-même était vide ; les jeunes filles étaient sorties.

L’humeur maussade, il continua sa marche vers le chalet où, quelques instants plus tard, Jean venait le rejoindre.

— Dis-donc, Paul, tu n’oublies pas que j’ai donné rendez-vous à Mlle Perrin pour samedi après-midi ?

— Je ne t’ai jamais autorisé à le faire.

— Tu ne me l’as pas interdit, ce qui revient au même. Qui ne dit mot consent.

— Mais si je me souviens bien, je t’ai formellement défendu…

— Tes lèvres ont dit non ; mais tes yeux, mon vieux Paul, si tu avais vu tes yeux ! Ils disaient ; « Oui ! Oui ! Oui ! Mille fois oui ! »

— Eh bien ! non, je n’irai pas ! Si je ne veux pas y aller, c’est bien mon affaire ; tu n’as rien à y voir.

— Mais j’ai quelque chose à dire. Paul, mon cher Paul, laisse-moi te le répéter encore une fois, tu es un imbécile ! Tu fais une bêtise, tu te comportes comme un sot envers une jeune fille incomparable, et quand tu as l’occasion de la voir autrement qu’à travers les lunettes noires du préjugé et des calomnies populaires, tu es profondément ému… Ne le nie pas, depuis samedi tu ne penses qu’à Mademoiselle Perrin ! Ça été le coup de foudre classique. Et alors que je te fournis l’opportunité d’être reçu dans l’intimité de la Dame de tes rêves, de te faire pardonner tes erreurs, peut-être même de gagner son