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ces mots : « Ô Thomas ! pourquoi ne pas faire ma volonté ? Je te remettrai l’administration de mon royaume. » En rapportant ce propos à maître Héribert de Bosaham (un de ses biographes), l’archevêque ajouta : « Pendant que le roi me parlait ainsi, je me rappelais cette parole de l’Évangile : Je te donnerai tout cela, si tu te prosternes devant moi pour m’adorer. Le lendemain, l’archevêque prit congé du roi, et, plein de noirs pressentiments, il s’embarqua pour l’Angleterre. L’entrevue de Chaumont, dans laquelle les deux adversaires avaient manifesté, l’un l’hésitation, pleine d’un repentir anticipé, qui retient un moment le malfaiteur sur le penchant de son crime, l’autre l’indomptable fierté de son caractère ; cette entrevue, disons-nous, ne précéda que de six semaines la catastrophe dont l’église de Cantorbéry fut le théâtre. » La fille de Sulpice III étant morte sans enfants, la seigneurie de Chaumont et celle d’Amboise passèrent à Jean de Berrie, dont le petit-fils, Hugues Ier, commença la branche de Chaumont-Amboise, qui devait briller d’un si vif éclat sous Louis XII. Pierre djAmboise, arriére-petit-fils de Hugues II, conseiller de Charles VII, ayant pris parti pour Charles le Téméraire contre Louis XI, vit son château de Chaumont rasé par ordre du roi de France, en 1463. Un de ses fils, Charles d’Amboise, obtint de Louis XI, pour les services qu’il lui avait rendus en négociant les conditions de la soumission du duché de Bourgogne, des sommes considérables pour la réédirication de son château de Chaumont. Son fils, Charles d’Amboise, deuxième du nom, qui devint successivement grand maître, maréchal et amiral de France, le maréchal de Chaumont, comme le nomment d’ordinaire ses historiens, continua les travaux de reconstruction commencés par son père.

Le fils unique du maréchal étant mort sans enfants, les vastes domaines de la maison Chaumont-Amboise passèrent à sa cousine, Antoinette d’Amboise, mariée à un La Rochefoucauld-Barbézieux, qui vendit Chaumont à Catherine de Médicis, au prix de 120,000 livres tournois. » Catherine n’a laissé à Chaumont qu’un seul souvenir vivace, dit M. Loiseleur : celui de sa passion pour l’astrologie judiciaire. La tour qui communique à sa chambre à coucher porte encore sur ses créneaux les trois O entrelacés et traversés du triangle égulitaire, emblèmes de la grande cabale. Klevée au milieu des grands bois, sur le sommet d’un rocher, cette tour solitaire était un lieu excellent pour les études astrulogiques. Catherine la préféra sans doute à la tour du chàieau de Blois, sur la porte de laquelle elle avait fait graver ces mots : Vraniæ sacrvm, et qui ne lui offrait pas les mêmes conditions de solitude et d’élévation. Peut-être même n’ont-elle d’autre motif d’acheter Chaumont que le désir de donner par là à ses études fuvoriios le mystère et le recueillement qui leur convenaient. Tout atteste, et le docte André Félibien le certifie, qu’elle y logea quelques-uns des nombreux astrologues qu’elle avait amenés d’kalie, et qu’elle vint souvent, en leur compagnie, chercher dans les astres des révélations sur les projets de ses ennemis et des conseils pour sa tortueuse politique. » En 1560, Catherine de Médicis força Diane de Poitiers à lui céder Chenonceaux en échange de Chaumont. Diane ne lit que de rares apparitions dans ce dernier château qu’elle légua à sa fille aînée, Françoise de Brézé, duchesse de Bouillon. La petito-fille de cette dernière, qui avait épousé en 159) Henri de La Tour-d’Auvergne, vicomte de Turetine, étant morte sans enfants, le duc de Montpensier et le prince de Dombes, ses héritiers s-jbstitués, vendirent Chaumont à Jean Largentier, riche et fastueux traitant, chargé de la perception de la gabelle. À Largentier succédèrent des propriétaires de diverses familles, parmi lesquels il nous suffira de citer ; le duc de Beauvilliers et de Saint-Aignan qui reçut, en 1700, Philippe V, roi d’Espagne ; Bertin de Vaugyen, maître des requêtes au parlement de Paris, qui fit subir au château d’importantes restaurations dans le goût Pompadour ; Leray, grand maître des eaux et forêts, qui fonda à Chaumont une manufacture de produits céramiques, et qui reçut dans son château la visite de Franklin, auquel il envova plus tard, sur un vaisseau armé à ses frais, des munitions destinées aux défenseurs de la liberté américaine. Le fils de ce Leray passa plus tard en Amérique, où il essaya de fonder sur les bords de l’Ohio une colonie, à laquelle il donna le nom de Chaumont. Pendant son absence, Mme de Staël, liée avec lui et avec sa famille par des relations d’affaires et d’amitié, vint s’installer à Chaumont, alors que, poursuivie par le despotisme ombrageux de Napoléon, elle reçut l’ordre de quitter Paris. L’illustre exilée ne tarda pas à être entourée dans sa retraite d’une petite cour d’amis et d’admirateurs, où brillaientttu premier rang Benjamin Constant, Prosper de Barante, les comtes de Sabran et de Salaberry, le duc Matthieu de Montmorency, et cette charmante Mme Récamier qui apprit de l’auteur de Corinne l’art de présider à un salon et d’y réunir les hommes les plus opposés d’esprit et d’opinion. Mais, quels que fussent les agréments qu’elle trouvât dans le séjour de Chaumont, Mme de Staël regrettait toujours Paris. Un jour que Benjamin Constant lui faisait admirer le magnifique panorama qui se déroule au pied du château : « J’aime mieux, lui dit-elle, le ruisseau d’eau noire et bourbeuse que je voyais à Paris couler sous mes fenêtres, que cette Loire avec ses ondes claires et limpides. » M. Leray, revenu d’Amérique, insista inutilement pour que Mme de Staël continuât à habiter Chaumont ; elle ne voulut point user davantage de cette généreuse hospitalité, et alla s’établir au château de Fossé, mis à sa disposition par M. de Salaberry. M. d’Etchegoyen, devenu, en 1829, acquéreur de Chaumont, négligea complètement ce château pour celui de Mation qu’il habitait ; il le revendit en 1834 au comte d’Aramont, mort en 1847, et dont la veuve a épousé M. le vicomte Walsh, l’écrivain légitimiste. Grâce à MM. d’Aramont et Walsh, d’intéressantes restaurations ont été accomplies à Chaumont et ont rendu à ce vieux manoir sa physionomie du xve siècle.

Vu de la rive opposée de la Loire, le ohâteau de Chaumont présente un aspect des plus pittoresques ; au pied de la haute colline que couronnent ses tours robustes, faites pour soutenir des sièges, s’allonge sur les bords du fleuve le petit village de Chaumont, aux murailles blanches, aux pignons pointus. Un escalier de pierre de 174 marches conduit à l’église paroissiale bâtie à mi-côte et vient aboutir à la terrasse du château, suspendue à 200 pieds au-dessus du fleuve ; mais, pour arriver au vieux castel, on suit plus volontiers la belle et large avenue qui part de la route et qui conduit par une pente adoucie, quoique rude encore, jusqu’au portail. La pelouse fleurie qui a remplacé les tossés d’enceinte amoindrit un peu le caractère féodal du lourd pont-levis et de la herse qui défendent l’entrée du château. Le porche ou portail, flanqué de deux tours rondes, est fermé par une épaisse porte de chêne où sont sculptés les douze apôtres. Au-dessus de cette porte est un médaillon de pierre où l’on voit, encadrées par de délicats ornements, les lettres initiales des noms de Louis XII et d’Anne de Bretagne, seconde épouse de ce prince ; à droite et à gauche, sur les tours qui gardent le portail, sont sculptées les armoiries du cardinal Georges d’Amboise et de son neveu, le maréchal de Chaumont. « C’est à ce dernier, sans doute, dit M. Loiseleur, qu’il faut attribuer toutes ces sculptures. Elles ne peuvent être l’œuvre du cardinal d’Amboise, qui, bien que né à Chaumont, ne fut jamais propriétaire de ce château. Mais il est présumable que Louis XII, à son retour de Nantes, où il venait d’épouser la veuve de Charles VIII, s’est arrêté à Chaumont en compagnie de sa nouvelle épouse et de son ministre, et que le maréchal de Chaumont, pour faire honneur à son oncle et au couple royal, a fait sculpter sur le porche et sur les tours ce médaillon et ces armoiries, qui remonteraient alors à l’année 1490. » Des deux tours qui flanquent le portail partent deux corps de logis, aux extrémités desquels se dressent deux autres tours plus grosses et plus élevées que les premières ; la plus haute des deux et la mieux conservée, à gauche, est celle d’Amboise ; celle de droite, que l’on appelle la tour de Catherine de Medicis, a ses créneaux décorés de signes cabalistiques. Sur les tours du portail et sur les murs des corps de logis adjacents se déploie, au tiers environ de l’élévation, un cordon sculpté encadrant alternativement une montagne, dont !e sommet laisse échapper des flammes (allusion au nom du château, Chaud mont), et deux C adossés (initiales du fondateur, Charles de Chaumont). En certains endroits de l’édifice, les deux C sont réunis par un H, à la manière de ceux qu’on voit au Louvre, à Chambord, à Chenonceaux et sur le tombeau de Henri II. On sait que les deux C accolés aux jambages de l’H orment deux D, en sorte qu’on peut voir à volonté, dans le monogramme du roi, celui de Catherine de Médicis ou celui de Diane de Poitiers, le chiffre de la femme légitime ou de la maîtresse. Mais il est probable, suivant la remarque de M. Loiseleur, que c’est à la reine et non à la favorite qu’il faut attribuer ici ces doubles C encadrés dans l’H. Diane, devenue châtelaine de Chaumont après Catherine^ se sera contentée, pour marquer sa possession, d’orner les créneaux des carquois et des cors de chasse qui étaient ses emblèmes et qu’on y voit encore en grand’nombre.

Après avoir franchi le porche, on pénètre dans la cour d’honneur, vaste quadrilatère, dont trois côtés sont bordés de corps de logis et dont le quatrième est complètement ouvert. Jadis, ce quatrième côté était, comme les trois autres, clos de bâtiments et flanqué de deux tours qui commandaient la Loire. Ces constructions furent abattues par Bertin de Vaugyen qui, comme nous l’avons vu, s’était empressé do moderniser le château dont il était devenu acquéreur. « Cet homme fit là, sans s’en douter probablement, une chose intelligente, dit M. Loiseleur ; une fois par hasard le vandalisme a eu du goût. Appuyé sur la grille de fer qui a remplacé ce quatrième corps de logis, le visiteur embrasse un horizon immense, un paysage « fait à souhait pour le plaisir des yeux. » Au premier plan, des terrasses chargées de fleurs ; un peu plus bas, à travers les arbres rabougris poussés entre les fentes du rocher, les foits aigus et symétriques du petit village de Cfeaumont ; derrière ce village, la Loire ; derrière la Loire, le petit hameau d’Escures ; plus loin, le chemin de fer ; au fond du tableau, l’église dii gros bourg d’Onzain et les ruines du vieux château où Voltaire écrivit la Pucelle. » Extérieurement, le château de Chaumont offre peu d’ornements et de recherches do détails. Le corps de logis, aujourd’hui détruit, présentait seul quelques ornements du gothique fleuri. Il n’y a de vraiment remarquable aujourd’hui que la jolie galerie qui forme le fond de la cour et qui se compose d’arcades à jour, soutenues par des piliers carrés et trapus que couronnent d’élégants chapiteaux. Cette galerie a été réparée, il y a quelques années, par M. de la Moraudière, élève de M. Duban, qui a restauré aussi les sculptures du porche et celles du grand escalier, et qui a décoré le pignon du corps de logis opposé à la chapelle de deux tourelles en encorbellement du plus charmant effet. La chapelle, contiguë à la tour de Catherine de Médicis, est vaste et élégante ; ses fenêtres du style ogival flamboyant sont décorées de vitraux peints ; des bas-reliefs sur fond d’or forment le soubassement de l’autel ; près du sanctuaire se dresse une haute et belle chaire de chêne, sculptée et blasonnée, qu’on dit être celle de Georges d’Amboise, et au-dessus de laquelle est suspendu un chapeau rouge de cardinal. Au premier étage du château, dans le corps de logis qui se lie à la chapelle, M. et Mme d’Aramon ont établi un véritable musée, où figurent les écussons des divers possesseurs de Chaumont, leurs portraits et ceux dé quelques-uns des personnages qui l’ont visité, et une foule de curiosités archéologiques, tables et bahuts de vieux chêne, émaux, faïences, manuscrits sur vélin, etc. La chambre à coucher de Catherine de Médicis, qui communique à la tribune de la chapelle, renferme le lit à colonnes torses de l’ambitieuse Florentine, son prie-Dieu et ses Heures ouvertes, sa toilette avec ses boîtes à opiat, le tout encadré dans des tapisseries de haute lisse remontant à la fin du règne de Louis XI.

'CHAUMONT-PORCIEN, bourg de France (Ardennes), chef-lieu de canton, arrond. et à 21 kilom. N.-O. de Réthel, sur l’Aisne ; pop, aggl. 901 hab. — pop. tôt. 1,104 hab. Fabriques de toiles ; Sur le sommet d’une montagne voisine, restes d’un ancien château.

CHAUMONT (Denisoit de), garçon boucher, qui fut, au commencement du xviie siècle, un des chefs cabochiens qui firent trembler Paris. Il reçut avec Caboche le commandement des ponts de Charenton et de Saint-Cloud, et fut un des commissaires chargés de lever un emprunt forcé sur les bourgeois de la capitale (1413).

CHAUMONT (Charles d’Amboise, seigneur de), né en 1473. Il était, neveu du cardinal d’Amboise, qui !e nomma, en 1500, gouverneur de Milan. Envoyé en 1506 au secours de Jules II, il joignit ses troupes à celles du saint-siége et soumit Bologne, dirigea l’année suivante le siège de Gènes et commanda l’avant-garde à la bataille d’Agnadel. En 1510, il investit Jules II dans Bologne, et l’aurait enlevé, si le pontife n’eût échappé au danger par d’insidieuses négociations. Il mourut à Correggio en 1511. Son portrait, par Léonard de Vinci, est au musée du Louvre.

CHAUMONT (Jean de), écrivain français, né vers 1583, mort en 18S7. Il fut nommé par Henri IV bibliothécaire du cabinet du roi et conseiller d’État. Parmi ses ouvrages, nous citerons ; la Chaîne de diamants (Paris, 1684, in-8o), écrit théologique recherché encore des bibliophiles. — Son fils, Paul-Philippe de Chaumont, mort à Paris en 1697, lui succéda comme bibliothécaire du roi, fut nommé membre de l’Académie française (1654), bien qu’il n’eût encore rien publié, et appelé à occuper le siège épiscopal d’Apt en 1071. On a de lui : Réflexions sur le christianisme enseigné dans l’Église catholique (1693, 2 vol.).

CHAUMONT (le chevalier de), marin français, né vers 1640. Il était capitaine de vaisseau lorsqu’il reçut de Louis XIV, en 1685, la mission de se rendre, avec le titre d’ambassadeur, auprès du roi de Siam. De Chaumont fut parfaitement accueilli par ce dernier, et partit après avoir conclu un traité favorable au commerce français et au catholicisme. Il prit à bord de son vaisseau deux ambassadeurs siamois, qu’il conduisit en France (1686), Le chevalier de Chaumont a laissé une relation de son voyage (Paris, 1686), qui est pleine de détails intéressants.

CHAUMONT-QUITRY (Gui-Charles-Victor, comte de), né à Bienfaite (Calvados) en 1768, mort en 1841. Il est l’auteur de plusieurs opuscules politiques et littéraires, parmi lesquels nous citerons : Essai sur les causes qui, depuis le 18 fructidor, devaient consolider la République en France, et sur celles qui ont failli la faire périr (Paris, 1799, in-S°) ; De la persécution suscitée par J.-Fr. La Harpe contre la philosophie et ses partisans, en réponse à son écrit : vu fanatisme dans le langage récolutionnaire (Paris, 1800, in-8°). — Jacques-Georgesr Charles-François, comte de Ckaumo^t-Quitey, son frère, né à Bienfaite (Calvados), en 1770, mort en 1844. Il servit dans la marine, où il devint officier supérieur. Lorsque la Révolution éclata, les deux frères créèrent ensemble, à Evreux, une imprimerie qui fonctionna pendant plusieurs années. Comme son frère aîné, le comte de Chaumont-Quitry a publié des brochures politiques : Aperçu ?iational sur Napoléon (Paris ; 1822, in-8>) ; Adresse à Charles X (1825, in-4<>).

Chaumont OU Saint-Chaumont (BUTTES). On désigne encore sous ce nom une agglomération de monticules accidentés situés entre les quartiers populeux de Belleville et de là Villette (XIXe arrondissement). Les buttes Chaumont sont aujourd’hui l’une des promenades les plus pittoresques de Paris, mais cette transformation ne date que d’hier ; elles n’ont longtemps été qu’un vaste désert, aride et désolé, contrastant avec les-plaines verdoyantes de Notre-Dame-des-Vertus, d’Aubervilliers, des Prés-Saint-Gervais, avec les bosquets de Belleville et de Romainville. L’étymologie du nom des buttes Chaumont a donné lieu a plusieurs hypothèses : les uns veulent que Chaumont ne soit qu’une abréviation de Chauve-mont, Calvus mons, mont chauve, et la stérilité de ces terrains pendant plusieurs siècles semble justifier cette etymologie ; d’autres font dériver ce mot de Chaux-mont, montagne de chaux, se fondant sur ce qu’en effet les flancs de ces buttes fournirent longtemps à nos pères la chaux nécessaire à leurs constructions ; mais ils produisirent également du plâtre en quantité plus considérable encore, ce qui rend cette seconde etymologie moins justifiée que la première. Quelques-uns ont émis l’opinion que ces monticules sont l’œuvre de quelque feu souterrain, de quelque révolution volcanique, et s’appuient sur la trouvaille d’un certain nombre de pierres et d’ossements calcinés, pour voir dans ce mot Chaumont (chaud moni) le souvenir d’un ancien incendie. Le P. Lelong, dans ses Recherches historiques, estime, tout en relatant cette etymologie « qu’elle est tirée de trop loin. On disait et on écrivait jadis, ajoute-t-il, Chaux-mont, ce qui paraît indiquer une montagne où l’on calcinait, et il n’y a pas longtemps qu’on sait quelle différence il y a entre la chaux et le plâtre. ■ Et le savant, après cette dernière affirmation quelque peu hasardée, adopte la seconde etymologie. Enfin nous en citerons deux autres encore : suivant la première, le nom des buttes proviendrait d’une famille de Saint-Chaumont qui aurait eu jadis un vaste domaine dans le voisinage, et, suivant l’autre, il aurait existé en ce lieu une chapelle dédiée à saint Chaumont, parrain de Clotaire III et évêque de Lyon, après la mort de Vivence, vers le viie siècle. Ce qui est certain, c’est que les buttes Chaumont, arides et stériles, n’eurent pour tous habitants au moyen âge qu’un grand nombre de pendus et d oiseaux de proie, auxquels les crevasses et les excavations du terrain servaient de retraite ; car, de même que les buttes Montfaucon, de sinistre mémoire, les buttes Chaumont eurent longtemps le triste privilège des gibets royaux. Plus tard, les Parisiens désespérant de rien faire rendre à ces terrains crayeux ou argileux, les utilisèrent en les peuplant de moulins il vent. Il y eut plus de moulins, à une époque, sur les buttes Chaumont que sur les Duttes Montmartre ; les historiens nous ont transmis les noms ries plus célèbres, c’étaient : le moulin Endiablé, le Vieux et le Petit-Moulin, le moulin du Coq, le moulin des Bruyères, le moulin de la Folie, le moulin de la Tour, le moulin de la Motte, le moulin du Coffre, le moulin de la Crosse, et le moulin des Chopinettes, beaucoup plus bas, qui a laissé son nom à la barrière de la Chopinette, de popufaire mémoire. L’ancien plan de Paris de Verniquet n’attribue aux buttes aucune dénomination, mais désigne la rue de la Butte-Chaumont sous le nom de rue de la Voirie. Ce nom s’explique par le voisinage de la grande voirie de Paris, établie au pied des buttes Chaumont, du côté de la Villette ; c’était là qu’on abattait et équarissait les chevaux, et qu’on vidait les voitures d’immondices et de vidange. Naguère encore, les industries les plus viles et les plus dégoûtantes, dépotoirs, ateliers de poudrette, etc., etc., s’étaient réfugiées au pied des buttes Chaumont, qu’elles en veloppaient d’un nuage d’émanations corrompues, pestilentielles, peu propres à en encourager l’escalade. Telles étaient les buttes Chaumont en 1814, époque où se place leur grand souvenir historique. C’est sur ces buttes, sacrées à jamais pari héroïsme, qu’une poignée de braves, composée en grande partie de la jeunesse des écoles, essaya pendant une journée entière de tenir tête à l’armée prussienne (30 mars 1814). Héroïsme, hélas ! inutile, puisque le soir de ce même jour, dans un cabaret borgne de la Villette, au Petit Jardinet, tenu par Lebrun, les délégués des armées française et étrangères signaient la capitulation de Paris. L’histoire nous a conservé un pittoresque épisode du combat des buttes Chaumont, pittoresque dans sa trivialité même. Un escadron de cosaques du comte Woronzow était acculé au pied des buttes Chaumont par une barricade défendue par quatre Parisiens seulement ; un seul tirait, pendant que les trois autres chargeaient les armes, et à chaque coup un cosaque tombait. Le comte Woronzow voyant sa troupe diminuer à vue d’œil envoie un officier reconnaître la situation ; l’officier prend vingt cavaliers et s’élance à leur tête pour tourner la barricade par une brèche ; mais ce qu’il avait pris de loin pour un terrain solide n était que l’amas putride et mou des immondices déposées au pied de la butte. Les vingt cavaliers et l’officier qui les commandait s’enfoncèrent dans cet épouvantable marais, et ceux qui échappèrent aux balles françaises y trouvèrent l’asphyxie ; leur mort fut une variante au trépas d’Héliogabale. La journée du 30 mars 1814 est pour ainsi dire le seul souvenir des buttes Chaumont, Le lendemain, Alexandre de Russie et Fré-