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jetti aux mêmes exigences, suivît cet exemple ? évidemment non ; pas plus que nous ne prononçons volontière, monsieure, parce que La Fontaine a fait rimer le premier avec fiers et le second avec flatteur. De là, nous concluons qu’il faut faire sonner le c dans abject). Qui est rejeté et digne de l’être, et, par conséquent, qui est bas, vil, méprisable : C’est un abject mercenaire. (Mass.) L’homme est grand et incompréhensible, ou il est abject et vil. (Pasc.) Je ne cherche point un homme parfait, mais je méprise un homme abject. (J.-J. Rouss.) Abjects en toutes choses et bassement méchants, ils sont vains, fripons et faux. (J.-J. Rouss.) Il a vécu cinq ans, fort et patient parmi d’abjects compagnons. (G. Sand.)

Au contraire, cet autre, abject en son langage,
Fait parler les bergers comme on parle au village.
Boileau.

— En parlant des choses et des sentiments : Vil, trivial, ignoble : Tout est merveilleux dans le corps humain, jusqu’aux organes mêmes des fonctions les plus viles et les plus abjectes. (Fén.) Le mot esclave ne se présente à notre esprit qu’avec des idées abjectes. (Diderot.) Son frère, en l’écoutant, lui trouvait l’âme abjecte. (Marmontel.)

Je ne veux pas d’un sang abject comme le tien.
Corneille.
Frémis, Dieu te rejette aux rangs les plus abjects.
Parseval Grandmaison.
… La fièvre du jeu n’a pu vous pervertir
Jusqu’à cette infamie abjecte de mentir.
Ponsard.

Syn. Abject, bas, vil. Ce qui est bas manque d’élévation ou de noblesse : Des railleries basses et indignes de la vérité. (Pasc.) Ce qui est abject ravale l’homme au-dessous de lui-même : Âme abjecte ! c’est ta triste philosophie qui te rend semblable aux bêtes. (J.-J. Rouss.) Ce qui est vil est méprisé : Leurs viles passions ne savent qu’obéir. (Corn.)

ABJECTEMENT adv. (ab-jèk-te-man — rad. abject). D’une manière abjecte.

ABJECTION s. f. (ab-jèk-si-on — lat. abjectio, même sens). État abject, avilissant, dernier degré d’abaissement : Vivre dans l’abjection. (Acad.) L’abjection et la détresse où Mme  de Maintenon avait si longtemps été réduite lui avaient rétréci l’esprit et avili le cœur et les sentiments. (St-Simon.) || Bassesse, en parlant du caractère, des sentiments : L’homme vil et corrompu, étranger à toutes les idées élevées, se venge de son abjection passée et présente, en contemplant avec cette volupté ineffable, qui n’est connue que de la bassesse, le spectacle de la grandeur humiliée. (J. de Maistre.) On ne remarque chez cette nation aucun de ces airs serviles, aucun de ces tours de phrase, qui annoncent l’abjection des pensées et la dégradation de l’âme. (Chateaub.) || Humiliation profonde devant Dieu : La religion chrétienne rend respectable l’abjection et la pauvreté. (Mass.)

— En style relig. Rebut : Jésus fut l’opprobre des hommes et l’ abjection du peuple. (Le Maistre de Sacy.)

— Peut s’employer au pluriel : Voulez-vous savoir, Philothée, quelles sont les meilleures abjections ? (S. Franç de Sales.) Souvenez-vous que les abjections et les opprobres sont le caractère des enfants de Dieu. (Mass.)

Syn. Abjection, abaissement, bassesse. V. Abaissement.

AB JOVE PRINCIPIUM loc. adv. (ab-jo-vé-prain-si-pi-omm — du lat. ab, de ; Jove, Jupiter ; principium, principe). Commençons par Jupiter, c’est-à-dire Commençons par la chose principale, le personnage principal ; ce proverbe répond à celui-ci : À tout seigneur, tout honneur. Il est très-usité dans notre langue :

« Le sénat romain avait pour le Dieu suprême et pour les dieux secondaires un aussi profond respect que nous pour nos saints : Ab Jove principium était la formule ordinaire. »

               Voltaire.

« J’entre en matière par un long morceau sur Descartes : ab Jove principium ; c’était mon premier hommage à rendre, ma première étude, mon premier soin. »           Damiron.

« En toutes choses, Dieu apparaît ; son nom, sa splendeur, éclatent de toutes parts, et il faut redire avec le poëte païen : Ab Jove principium. »            Dupanloup.

« Dans la plupart des banquets où se perpétue la coutume des toasts, il est d’usage de porter la santé du roi : Ab Jove principium ! »

               Ch. de Bernard.

« Il y a aux colonies trois classes distinctes, mais qui se rapprochent parfois sous bien des rapports : ce sont les blancs, les gens de couleur libres, et les noirs esclaves. Chacune de ces classes doit être séparément examinée. Commençons par les blancs : Ab Jove principium. »           V. Charlier.

ABJURABLE adj. (ab-ju-ra-ble — rad. abjurer). Qu’on peut, qu’on doit abjurer.

ABJURANT (ab-ju-ran) part. prés. du v. Abjurer. : Sans parler du crime religieux que les Grecs auraient commis en abjurant leurs autels, ils n’auraient rien gagné à se soumettre au Coran. (Chateaub.)

Grand roi, c’est vainement qu’abjurant la satire,
Pour toi seul désormais j’avais fait vœu d’écrire.
Boileau.

ABJURATION s. f. (ab-ju-ra-sion — du lat. abjuratio, déniement, parjure). Acte public et solennel par lequel on renonce à une religion que l’on avait professée. On attache ordinairement à ce mot un sens favorable, l’idée de passage d’une croyance religieuse fausse à une croyance vraie : Louis XIV voulait racheter les longues souillures de sa vie par l’ abjuration des hérétiques. (Dict. politiq.) Ils sacrifiaient leur conscience à leurs biens et à leur repos, et les achetaient par des abjurations simulées. (St-Simon.) Saurin fit son abjuration entre les mains du vainqueur. (Boss.) La guerre civile et religieuse de la Ligue se termina par l’abjuration de Henri IV. (Lamart.) || S’emploie avec un complément indiquant la chose que l’on abjure : Pour les contraindre à l’abjuration de leur foi, les païens brûlaient les chrétiens. (Dict. polit.) C’est à la lueur des bûchers que les Espagnols conviaient à l’abjuration de leur culte les malheureux Américains. (Dict. polit.) Elle fit avant son mariage abjuration de la religion calviniste. (Volt.)

— Par ext. Action de renoncer à une chose : Faire abjuration de ses erreurs. Cette abjuration de ses anciens principes lui a fait beaucoup d’ennemis. (Acad.) Il fit abjuration de l’ancienne philosophie. (Fontenelle.)

— Serment par lequel un criminel anglais, réfugié dans un asile, s’engageait à sortir du royaume pour toujours. || Serment par lequel on jurait, en Angleterre, de ne reconnaître aucune autorité royale au Prétendant.

Abjuration de parenté, Coutume introduite en Gaule par les Francs, et consistant à renoncer à ses parents, dans le but de se rédimer de l’obligation de prendre part aux guerres privées qui avaient lieu entre deux familles, lorsque quelqu’un de l’une de ces familles avait commis soit un homicide ou tout autre crime, soit un délit envers quelqu’un de l’autre famille. Il fallait que les soldats romains, pour être incorporés dans la milice, fissent une espèce d’abjuration de père et de mère.

— Fig. et absol. Faire abjuration signifie quelquefois Se relâcher de la rigueur de ses principes, de sa sévérité, etc. : On a abandonné la morale ; elle-même a fait abjuration, en souscrivant à de nouvelles doctrines qui prêchent le trafic, l’astuce, etc. (Fourier.)

— Hist. L’histoire offre des exemples célèbres d’abjurations : Celle de Henri IV à Saint-Denis en 1593 ; celle de Christine, reine de Suède, à Inspruck en 1655 ; celle de Turenne en 1688 ; celle d’Auguste II, électeur de Saxe, puis roi de Pologne, en 1706 ; celle de Bernadotte, devenu prince royal de Suède, en 1810.

ABJURATOIRE adj. (ab-ju-ra-toi-re — rad. abjurer). Qui concerne l’abjuration : Acte, formule abjuratoire.

ABJURÉ, ÉE (ab-ju-ré) part. pass. du v. Abjurer. Qu’on a répudié, rejeté. Des opinions, des erreurs abjurées. Des principes, des sentiments abjurés. Le calvinisme a été solennellement abjuré par Henri IV. (Volt.) Ces erreurs, ces opinions ont été solennellement abjurées par les hérétiques. (Volt.) Qui sait, pensai-je, si ses préjugés sont à jamais abjurés ! (G. Sand.)

ABJUREMENT s. m. (ab-ju-re-man — rad. abjurer). Synonyme inusité d’abjuration. V. ce mot.

ABJURER v. a. ou tr. (ab-ju-ré — du lat. abjurare, dénier avec serment). Renoncer publiquement à une croyance, à une religion : Henri IV abjura le calvinisme. Ils abjurèrent publiquement leur hérésie. (Fléch.) Ils abjuraient le christianisme au Japon. (Volt.)

— Absol. Prononcer son abjuration : C’était par milliers qu’on comptait ceux qui avaient abjuré et communié. (St-Simon.) On a appris aussi qu’à Grenoble tous les Huguenots avaient abjuré. (Dangeau.) On prit en province beaucoup d’enfants pour les faire abjurer. (Volt.) Henri IV abjure : il ne pouvait faire autrement pour régner. (Chateaub.)

— Renoncer à une opinion, à un engagement, à une doctrine, etc. : C’est ce qui a donné lieu au bruit qui se répandit que M. Pascal avait abjuré le jansénisme. (Racine.) M. d’Ablancourt retourna à ses anciennes erreurs, qu’il avait si solennellement abjurées. (Patru.)

Oui, j’y cours abjurer un serment que j’abhorre.
Voltaire.

— Elliptiq., Cesser de suivre, de respecter une doctrine, un système : Abjurer Aristote, Descartes, etc., c’est-à-dire ne plus être de leur école, ne plus partager leurs idées.

— Renoncer à une conduite antérieure, à certaines pensées, à certains sentiments : On n’entrait alors dans l’Église qu’après avoir abjuré sa vie passée. (Pasc.) Elle a abjuré tout sentiment de pudeur et de vertu. (Pasc.) Don Juan abjure tous les devoirs qui le lient au reste des hommes. (Beyle.) Aurais-tu donc abjuré ta sublime sagesse pour quelque passion de la terre ? (G. Sand.) Son cœur sensible et bon abjura sincèrement toute rancune. (G. Sand.) Une nation qui revêt la livrée intellectuelle d’une autre abjure toute liberté de pensée. (Ph. Chasles.)

Abjurez, il est temps, des craintes téméraires.
A. Guiraud.
Oui, j’abjure à vos pieds cette fureur honteuse.
Saurin.
Abjure, mon cher fils, ces projets imprudents.
Saurin.

Abjurer le royaume, C’était autrefois, en Angleterre, prendre l’obligation de quitter le royaume par un port déterminé, après s’être réfugié dans une église et avoir avoué le crime dont on s’était rendu coupable.

S’abjurer, v. pr. Être abjuré : Les erreurs qui portent profit ne s’abjurent jamais. (Laveaux.)

Syn. Abjurer, renier. Abjurer veut dire renoncer publiquement, solennellement à une croyance, à des maximes dont on faisait profession et qu’à tort ou à raison on a reconnues fausses. Renier se prend toujours en mauvaise part, c’est abandonner par faiblesse, par lâcheté ou par intérêt ce qu’on respecte au fond de sa conscience, ce à quoi l’on devrait rester fidèlement attaché. On abjure l’erreur ; Henri IV abjura le calvinisme. Saint Pierre renia son maître par trois fois. (Acad.)

ABKAZOS s. m. pl. (ab-ka-zoss). Géogr. Peuple le plus ancien du Caucase : Les abkazos occupent la plus grande partie de l’Abasie.

ABLABÈRE s. m. (a-bla-bè-re — du gr. ablabès, innocent). Entom. Genre d’insectes coléoptères pentamères, famille des lamellicornes, ne renfermant que des espèces du cap de Bonne-Espérance, à l’exception d’une seule, l’ablabera myrmidon, qui est du Sénégal.

ABLACTATION s. f. (ab-lak-ta-si-on — du lat. ab, qui exprime séparation, et lac, lactis, lait). Cessation de l’allaitement. || Ce mot s’applique à la mère, et celui de sevrage plus particulièrement à l’enfant.

— Hortic. Dans les anciens auteurs, ce terme désigne la greffe en écusson, à œil dormant, faite à l’automne.

ABLAIS s. m. pl. (a-blé — bas lat. bladum, blé). Anc. jurispr. Blés coupés dans le champ et non rentrés.

ABLAMELLAIRES s. f. pl. (a-bla-mèl-lè-re — rad. lamelle). Bot. Nom donné à un groupe de plantes caractérisées par l’écartement des lamelles.

ABLANCOURT (Nicolas Perrot d’), traducteur, né à Châlons-sur-Marne en 1606, mort en 1664. Il entra à l’Académie française en 1637, et Colbert le proposa comme historiographe à Louis XIV, qui le refusa parce qu’il avait embrassé le protestantisme. Ses traductions des classiques grecs et latins eurent une vogue brillante, due aux agréments de son style, mais leur inexactitude les avait déjà fait nommer par les contemporains les belles infidèles. Elles sont entièrement oubliées aujourd’hui.

ABLANIE s. m. (a-bla-ni). Bot. Genre de plantes, de la famille des liliacées, mais qui est peut-être plus voisin des bixacées ; il n’est fondé que sur une seule espèce, indigène de la Guyane : L’ablanie est un arbre atteignant environ 50 pieds de hauteur, remarquable par son bois de couleur rouge, tandis que l’aubier en est blanc. (D’Orbigny.)

ABLAQUE s. m. (a-bla-ke). Nom vulgaire de la soie que fournit le byssus des pinnes marines, et qui a été employée, dans l’antiquité et au moyen âge, à la plupart des usages de la soie ordinaire.

— Espèce de soie de Perse, de très-belle qualité.

ABLAQUÉATION s. f. (a-bla-ku-é-a-si-on — lat. ablaqueatio, même sens). Hortic. Action de creuser tout autour du pied d’un arbre, pour retenir l’eau que l’on y verse ou celle qui provient de la pluie.

ABLATEUR s. m. (a-bla-teur — du lat. ablator, qui enlève). Art vét. Instrument servant à abattre la queue des brebis.

Ablateur vulcanique, Le fer rouge dont on se sert pour la castration.

ABLATIF s. m. (a-bla-tif — du lat. ablativus ; formé de ab, hors de ; latus, porté). Gramm. Un des six cas de la déclinaison latine, appelé par Varron cas latin, parce qu’il est particulier à cette langue. Les principaux rapports qu’il exprime sont ceux de départ, de séparation, d’origine ou de matière, précédés généralement des mots de, par, avec, dont, etc. : Venire ex urbe, Discedere a mœnibus, Vas ex auro. Il sert souvent aussi à exprimer le complément d’un verbe passif : Amor a Deo, mœrore conficior. L’ablatif sert encore à caractériser le lieu par où l’on passe, la partie de l’homme ou de l’animal à laquelle se rapporte une action ou un état, la distance, l’étendue, etc. — On appelle ablatif absolu une proposition qui, ne renfermant qu’un participe, a pour sujet un nom ou un pronom qui ne représente ni le sujet, ni aucun des compléments de la proposition principale : Partibus factis, sic locutus est leo.

— Quoique beaucoup de langues modernes soient privées de cas, l’habitude d’étudier les langues à déclinaisons a fait admettre sans motif un ablatif dans ces langues. Cette erreur n’est pas encore complètement abandonnée par les grammairiens. On peut aussi leur reprocher d’avoir dit que l’ablatif est le sixième cas des noms, car cela n’existe qu’en latin. Plusieurs langues à déclinaisons sont privées de ce cas, ou lui font occuper, dans la déclinaison, une autre place que la sixième.

— Nos anciens grammairiens français appelaient ablatif absolu un complément circonstanciel, formé ordinairement de propositions au participe. Ces locutions absolues sont elliptiques, et ne se rattachent au reste de la phrase par aucune règle de syntaxe.

Eux venus, le lion sur ses ongles compta.
La Fontaine.
Huit ans déjà passés, une impie étrangère
Du sceptre de David usurpe tous les droits.
Racine.
Je me fais un plaisir, à ne rien vous celer,
De pouvoir, moi vivant, dans peu les désoler.
Boileau.

— Quand cette construction n’est employée qu’une fois, elle produit un effet agréable ; mais si plusieurs de ces compléments sont accumulés, la phrase devient lourde et traînante : La face des choses change en quelques mois, La sécurité succédant à un trouble profond, une victoire inouïe replaçant la France à la tête des puissances de l’Europe, la certitude d’une paix prochaine faisant cesser les anxiétés d’une guerre générale, la prospérité enfin s’annonçant déjà de toutes parts, comment de si grands résultats, sitôt réalisés, n’auraient-ils pas transporté les esprits ! (Thiers.)

— Dans chaque branche des connaissances humaines, il y a des points saillants importants, qui peuvent en quelque sorte se séparer des autres parties pour former un tout et auxquels on fait quelquefois allusion dans le langage familier : tels sont la matière incréée et la grâce efficiente en religion ; le moi en philosophie, le carré de l’hypoténuse en géométrie, etc. Il en est ainsi du que retranché et surtout de l’ablatif absolu dans la langue latine.

ABLATIF, IVE adj. (a-bla-tif, i-ve). Qui appartient au cas des Latins nommé ablatif ; qui en a le caractère, la valeur ; qui marque, qui régit l’ablatif : Locution ablative. Préposition ablative.

ABLATION s. f. (a-bla-si-on — du lat. ab, hors de ; latio, action de porter). Chir. Retranchement d’une partie malade, d’un membre, d’une tumeur, etc. : L’ablation des paupières entraîne l’insomnie. (Richerand.)

— En T. de gramm., il se prend quelquefois comme synonyme d’aphérèse, pour marquer un retranchement de lettres au commencement des mots, comme quand on dit : las pour hélas ; Mélie pour Amélie ; Fanie pour Stéphanie ; Toinette pour Antoinette, etc.

ABLATIVO loc. adv. (a-bla-ti-vo). Pop. Avec confusion et désordre : Tout, dans cette maison, était ablativo. Il a mis cela ablativo tout en un tas. Ce mot latin est peu usité.

ABLE (a-ble — du celt. able, capable ; du lat. habilis, apte à, où il a passé dans une foule de mots, sous la forme de abilis, et avec la même signification). Suffixe qui a deux significations : l’une passive, l’autre active. Il est passif, quand il indique ce qui est propre à recevoir l’action exprimée par le radical ; c’est ainsi que d’aimer on a fait aimable, pour dire Qui peut, qui doit être aimé. Il est actif, quand au contraire il peut produire l’action exprimée par le radical : de faveur, secours, on a fait favorable, secourable, pour dire Qui donne, qui procure faveur, secours.

On peut poser comme règle générale qu’un adjectif terminé en able et dérivé d’un verbe, peut qualifier tout substantif que ce verbe est susceptible de prendre pour complément direct.

Ainsi, l’on dira très-bien : Une faute pardonnable, un fait contestable, parce que l’on dit : Pardonner une faute, contester un fait ; mais c’est mal s’exprimer que de dire : Mon ami, vous n’êtes point pardonnable, ou : Vous êtes impardonnable, parce que l’on ne pardonne pas quelqu’un, mais à quelqu’un. — Cependant on ne dit guère jusqu’ici : Douleur, affliction consolable, bien qu’on puisse dire : Consoler la douleur, l’affliction de quelqu’un ; et, d’autre part, quoiqu’on ne dise pas : Déplorer une personne, Corneille a dit : Des vaincus la déplorable sœur ; et Racine après lui : Vous voyez devant vous un prince déplorable ; et beaucoup d’autres poëtes ont imité Corneille et Racine.

ABLE s. m. (a-ble — albus, blanc). Ichthyol. Genre de poissons voisins des cyprins, et dont l’espèce la plus connue est l’ablette. V. ce mot. || On a donné aussi ce nom à une espèce de saumon (salmo albula), qui vit dans les lacs de la Suède et en Allemagne.

ABLECTES s. m. pl. (ab-lèk-te — du lat. ab, de ; lectus, choisi). Ant. Soldats d’élite chez les Romains ; ils formaient la garde des consuls en temps de guerre.

ABLÉGAT s. m. (ab-lé-ga — du lat. ablegatus, formé de ab, hors de ; legatus, envoyé). Vicaire d’un légat, commissaire spécial chargé par la cour de Rome de porter la barrette et le petit bonnet carré à un cardinal nouvellement promu : Les fonctions de l’ablégat cessent dès que le cardinal a reçu les insignes de sa dignité. (Artaud.)

ABLÉGATION s. f. (ab-lé-ga-si-on — rad. ablégat). Dignité, fonction de l’ablégat.

ABLEGMINA s. m. pl. (ab-lèg-mi-na — du lat. ab, de, et legere, ramasser, cueillir). Ant.