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composant le détachement qui doit toujours être le premier à l’abordage.

— S’empl. aussi adjectiv. : Navire abordeur. Marin abordeur.

ABORIGÈNE adj. (a-bo-ri-jè-ne — du lat. ab, de ; origo, originis, origine). Qui a habité le premier un pays. : Des tribus aborigènes. Les Japonais ne paraissent pas être un mélange de différents peuples, comme les Anglais et presque toutes les nations ; ils semblent être aborigènes. (Volt.) Les premiers peuples de l’Italie doivent avoir été aborigènes. (Michelet.) Au milieu des pâtres des Abruzzes, il n’aperçoit bien distinctement que les compagnons d’Evandre et les tribus aborigènes. (St-Priest.)

— En parlant des animaux : Il arrive souvent qu’un animal n’est point aborigène du pays d’où on le tire, surtout d’un pays tel que le cap de Bonne-Espérance, où abordent des vaisseaux de toutes les parties du monde. (Buff.) || Se dit aussi des plantes : Plante aborigène. || On dit mieux indigène. V. ce mot.

— s. m. pl. Les aborigènes, les premiers habitants d’un pays : Il est très-difficile aujourd’hui à la science de distinguer les aborigènes.

Encycl. On donne le nom d’Aborigènes aux premiers habitants d’un pays, c’est-à-dire à ceux qui l’occupaient au moment où il est entré dans l’histoire, et dont l’origine est inconnue. Le mot tiré du latin aborigines et le mot tiré du grec autochthones (nés du sol qu’ils habitent) servaient à établir une distinction nette entre les peuples primitifs et les colons venus dans un pays après avoir quitté leurs premières habitations. Les Indiens sont pour nous des aborigènes, parce qu’ils habitaient le nouveau monde à l’époque de sa découverte, et qu’ils ne paraissaient pas y avoir été précédés par une autre race humaine. Le mot aborigène n’a d’ailleurs jusqu’ici qu’un sens relatif, l’anthropologie n’ayant pas encore établi l’existence de plusieurs centres de création pour les races humaines ; dans les religions qui se rattachent à la Bible, il signifie tout simplement les premiers arrivés.

Le terme d’aborigène s’applique d’une façon plus scientifique aux animaux et aux végétaux ; mais alors celui d’indigène est préférable.

Syn. simples. Aborigène, autochthone, indigène, naturel.

Antonymes. Aubain, étranger, exotique.

ABORNAGE s. m. (a-bor-na-je — rad. borne). Action d’aborner ; résultat de cette action. Vieux mot. V. Abornement.

ABORNANT (a-bor-nan) part. près. du v. Aborner : Des pièces de terre abornant un champ.

ABORNÉ, ÉE (a-bor-né) part. pass. du v. Aborner. Borné, limité : Propriétés abornées. Et furent ainsi divisés, départis et abornés les deux royaumes. (Froissart.)

ABORNEMENT s. m. (a-bor-ne-man — rad. aborner). Action d’aborner, de mettre des bornes à un terrain. Ce mot est usité en parlant de l’opération qui a pour objet de marquer les limites entre la surface occupée par un chemin de fer et les propriétés voisines.

ABORNER v. a. ou tr. ( a-bor-né — rad. borne). Borner, mettre des bornes à un terrain, pour le distinguer des propriétés voisines : Faire aborner son champ.

ABORTIF, IVE adj. (a-bor-tif, ive — du lat. abortivus ; formé de ab, de ; ortus, né). Prématuré, qui se produit avant le temps ; qui n’a pas reçu son entier développement ; qui avorte : Accouchement abortif. Travail abortif. Fœtus abortif.

— Fig. Le Lutrin est le Saturne de cette génération abortive de poëmes badins. (Balz.)

— Substantiv. Enfant né avant terme :

Gisant nu, sans tombeau, je dis que l’abortif
Est cent fois plus heureux que ce pauvre chétif
Qui naît en vanité et retourne en ténèbres.
Remi Belleau.

— Bot. Se dit d’une plante ou d’un organe qui n’a pas reçu son entier développement. || Fleur abortive, Fleur qui tombe sans donner de signe de fécondation. || Fruit abortif, Fruit qui ne parvient pas à maturité ou dont les graines sont infécondes. || Graine abortive, Graine qui ne contient pas d’embryon. || Étamine abortive, Étamine dont le filet ne porte pas d’anthère. || Pistil abortif, Pistil qui reste imparfait, rudimentaire. || Plantes abortives, Plantes dont les fleurs deviennent impropres à la reproduction.

— Méd. Propre à provoquer l’avortement : Substances abortives. Peut s’employer substantiv. : Ce charlatan prescrivit des abortifs qui causèrent la mort de la femme. (Littré.)

Encycl. Méd. Les substances abortives sont des emménagogues, c’est-à-dire agissent spécialement sur l’utérus. Les plus renommées sont la sabine, la rue fétide et le seigle ergoté. La médecine les emploie pour combattre l’aménorrhée et la dysménorrhée, et pour hâter la délivrance dans le cas d’accouchements laborieux.

ABOSINE s. f. (a-bo-zi-ne). Anc. jurispr. Tenure solidaire. V. Tenure.

ABOT s. m. ( a-bo — du celt. bot, pied). Espèce d’entrave de bois ou de fer qui s’attache au paturon pour retenir les chevaux quand ils sont au pâturage.

ABOU-BEKR (bè-kre), le premier des califes arabes, beau-père et successeur de Mahomet, né vers 573, mort à Médine en 634 ; il porta d’abord le nom d’Abd-el-Caaba, et s’appela ensuite Abou-Bekr (père de la Vierge), lorsque le prophète eut épousé sa fille Aïcha. Il exerçait à la Mecque les fonctions de juge criminel, et s’était acquis une grande considération par son esprit de justice et la douceur de son caractère. Élu calife (632) après la mort du Prophète, dont il avait été l’un des premiers disciples, et qui, avant de mourir, l’avait désigné lui-même comme son successeur, il dompta plusieurs révoltes, tandis qu’un de ses lieutenants dispersait l’armée du faux prophète Mocaylama, et travailla activement à la propagation de l’islamisme. Ce fut lui qui rassembla les révélations de Mahomet, éparses jusqu’alors, pour en former le Coran, en les faisant transcrire sur des feuilles de palmier et des peaux de brebis. C’est ce recueil qui devint le texte authentique du code religieux des Arabes.

ABOUCHANT (a-bou-chan), part. prés. du v. Aboucher : En les abouchant ensemble, on arrivera à quelque résultat.

— S’emploie aussi pronominalem. : Elle alors s’abouchant à mon oreille : Je ne le vous permets pas seulement, me dit-elle, mais... (D’Urfé.)

ABOUCHÉ, ÉE (a-bou-ché) part. pass du v. Aboucher. Uni, joint : Deux tuyaux, deux vaisseaux parfaitement abouchés.

— Mis en face pour conférer : Deux personnes abouchées ensemble. Une fois abouchés, ils n’eurent pas de peine à trouver un moyen pour sortir d’embarras. Dès que les deux femmes furent abouchées, elles se réconcilièrent.

— S’empl. aussi pronominalem. : Ils se sont abouchés pour s’entendre.

ABOUCHEMENT s. m. (a-bou-che-man — rad. aboucher). Action d’aboucher, de mettre bout à bout : L’abouchement de deux tubes, de deux tuyaux, etc.

— Fig. Action de s’aboucher ; conférence, entretien entre deux ou plusieurs personnes : C’est une cérémonie ordinaire aux abouchements de tels princes, que le plus grand soit avant les autres au lieu assigné. (Montaigne.) Ménager un abouchement entre deux personnes. (Trév.) L’abouchement des deux princes n’a pas eu le succès qu’on en espérait. (Trév.)

— Anat. Union, jonction de deux vaisseaux, synon. vulg. d’anastomose.

ABOUCHER v. a. ou tr. (a-bou-ché — rad. bouche). Mettre bouche à bouche, bout à bout ; joindre ensemble deux tubes, deux tuyaux, deux vaisseaux, etc. ; les faire entrer l’un dans l’autre pour qu’ils communiquent : Il faut aboucher ces deux tuyaux.

— Fig. Procurer à quelqu’un une entrevue, une conférence avec une autre personne : On doit aujourd’hui l’aboucher avec vous dans une maison empruntée. (Mol.) Ne pourrions-nous point les aboucher avec leurs bergères ? (Dancourt.) Il fit aboucher les deux évêques en sa présence. (St-Simon.) Il me proposa le voyage de Grenoble pour m’aboucher avec le-dit Thévenin. (J.-J. Rouss.) J’abouche ce gentilhomme avec les parents de Séraphine. (Le Sage.)

Je voulais en secret vous aboucher tous deux.
Molière.

S’aboucher, v. pr. Se réunir, se joindre, communiquer : Ces deux tubes ne pourront jamais s’aboucher. Le canal thoracique s’abouche dans la veine sous-clavière. (Littré.)

— Fig. Avoir une conférence, un entretien, une entrevue avec quelqu’un, entrer en pourparler avec lui dans le but d’arriver à un accommodément, à un arrangement : Il ne s’agit que de faire qu’ils s’abouchent, qu’ils se parlent. (La Bruy.) D’abord que le nouveau vice-roi fut débarqué, le comte et lui s’abouchèrent ensemble. (Le Sage.) Il s’abouche, pour réussir, avec des gens placés en sous-ordre. (Balz.)

Et chacun d’eux brûle de s’aboucher.
Piron.

— Fig. et fam. Appliquer sa bouche à un vase, boire à même : Donne, donne, ma fille ! s’écria Cantin ; et, s’abouchant à l’amphore, il la pompa d’un trait, puis la jeta vide à ses pieds. (E. Sue.) Il y avait quinze jours que je n’avais envisagé face humaine, et que j’étais là à m’abrutir en m’abouchant avec des bouteilles. (Alex. Dumas.)

ABOUCHOUCHOU s. m. (a-bou-chou-chou). Comm. Sorte de drap qui se fabrique dans le midi de la France, pour être expédié dans le Levant.

ABOU-DJAFAR, surnommé l’Invincible, deuxième calife abbasside, régna de 754 à 775. Il succéda à son frère Aboul-Abbas, fit la conquête de l’Arménie, de la Cilicie, de la Cappadoce et, en 762, fonda Bagdad, dont il fit la capitale de l’empire musulman. Habile, courageux, instruit, il protégea les sciences et les lettres, et prépara les règnes brillants de ses successeurs, Haroun-al-Raschid et AI-Mamoun.

ABOUEMENT ou ABOÛMENT (a-bou-man — rad. bout). Techn. Jonction de deux pièces de bois, qui affleurent si exactement, qu’il est impossible de sentir le point d’assemblage.

ABOUGRI, IE (a-bou-gri) part. pass. du v. Abougrir. Mal venu, mal conformé. V. Rabougri, qui est plus usité.

ABOUGRIR v. n. ou intr. (a-bou-grir). Mal venir, être endommagé dans sa première croissance, en parlant d’un bois. Vieux mot. On dit mieux rabougrir.

ABOUGRISSEMENT s. m. (a-bou-gri-se-man — rad. abougrir). Arboric. État d’un arbre qui a subi quelque dommage dans sa première croissance. On dit mieux rabougrissement.

ABOU-HANIFAH, chef des hanéfites, l’une des quatre sectes musulmanes orthodoxes, né à Koufah en 699, empoisonné en 767, par les ordres du calife Abdallah II, dont il avait combattu le projet de mettre à mort les habitants de Mossoul. Il fut un des grands docteurs de l’islamisme.

ABOU-HANNÈS s. m. (a-bou-ann-nèss — mot égypt. qui signifie Père Jean). Expression que l’on emploie quelquefois pour désigner l’ibis, parce que cet oiseau se montre en Égypte vers la St-Jean : Les momies d’oiseaux qui sont exhumées si fréquemment des tombeaux des anciens Égyptiens sont précisément des abou-hannès. (Encycl.)

ABOU-KHARN s. m. (a-bou-karnn). Mamm. Rhinocéros du Ouâday, qui paraît être la licorne des anciens.

ABOUKIR, bourg de la Basse-Égypte, à 20 k. d’Alexandrie. Le 1er  août 1798, l’amiral Nelson y détruisit la flotte française commandée par Brueys ; en 1799, victoire de Bonaparte sur les Turcs (V. l’article suivant) ; mais le 25 mars 1801, Abercromby y battit le général Menou et enleva Aboukir aux Français.

ABOUKIR (batailles d’). Nom donné à deux batailles auxquelles se rattachent pour nous des souvenirs bien différents ; elles furent livrées par les Français pendant l’expédition d’Égypte, la première sur mer contre les Anglais, la seconde sur terre contre les Turcs.

Pendant que Bonaparte s’occupait d’organiser sa nouvelle conquête, la fortune lui préparait le plus redoutable de tous les revers. En quittant Alexandrie pour se porter vers le Caire, il avait fortement recommandé à l’amiral Brueys, chef de la flotte qui l’avait amené en Égypte, de ne point rester dans la rade d’Aboukir, ou les Anglais auraient tant d’avantage à le combattre. Brueys se décida alors à partir pour Corfou ; mais il perdit un temps précieux à attendre des nouvelles du Caire, et ce retard amena un des plus funestes événements de la Révolution, un de ceux qui, à cette époque, ont le plus influé sur les destinées du monde.

Instruit du départ des Français du port de Toulon, mais ignorant le but de l’expédition, Nelson, après les avoir vainement cherchés dans l’Archipel, dans l’Adriatique, à Naples, en Sicile, avait enfin acquis la certitude de leur débarquement en Égypte, il fit voile aussitôt pour Alexandrie, afin de joindre leur escadre et de la combattre. Il la trouva dans la rade d’Aboukir (1er  août 1798), et résolut de l’attaquer immédiatement, quoiqu’il fût près de six heures du soir. L’amiral Brueys s’était embossé dans la rade, qui forme un demi-cercle très-régulier, et avait rangé ses treize vaisseaux sur une ligne courbe, parallèle au rivage, qu’il appuyait sur sa gauche à une petite île qu’on appelle l’ilôt d’Aboukir. Jugeant impossible qu’un vaisseau pût passer entre cet îlot et sa ligne pour la prendre par derrière, il s’était contenté d’y établir une batterie de douze, et se croyait tellement inattaquable de ce côté, qu’il y avait placé ses plus mauvais vaisseaux. Mais devant un adversaire tel que Nelson, plus redoutable encore par l’audace de ses manœuvres que par les conceptions de son génie, ces précautions ordinaires de la prudence allaient être déjouées. Le nombre des vaisseaux était égal des deux côtés. L’amiral anglais s’avança intrépidement entre le rivage et notre ligne d’embossage. Le premier de ses vaisseaux, le Culloden, échoua sur un bas-fond ; mais le Goliâth, le Zélé, l’Audacieux, le Thésée et l’Orion réussirent à exécuter leur mouvement. Ils arrivèrent jusqu’au Tonnant, qui était le huitième de la ligne française, et engagèrent ainsi notre centre et notre gauche. Leurs autres vaisseaux s’avancèrent par le dehors de la ligne et la mirent alors entre deux feux. Le combat fut terrible, surtout au centre, où se trouvait l’Orient, vaisseau amiral français. Le Bellérophon, l’un des principaux vaisseaux de Nelson, fut dégréé, dématé et obligé d’amener d’autres vaisseaux anglais, horriblement maltraités, durent s’éloigner du champ de bataille. Malgré le succès de la manœuvre de Nelson, Brueys pouvait encore espérer la victoire si les ordres qu’il donnait en ce moment à sa droite étaient exécutés mais le contre-amiral Villeneuve, qui la commandait, n’aperçut point les signaux, et il resta immobile au lieu de se rabattre sur les vaisseaux anglais qui canonnaient notre ligne par le dehors, et de les prendre eux-mêmes entre deux feux. C’était ce que redoutait Nelson. Mais le futur vaincu de Trafalgar manquait de cette résolution instinctive qui, dans des circonstances semblables, porte un lieutenant à voler de lui-même au secours de son chef ; comme plus tard Grouchy à Waterloo, il entendit le canon qui foudroyait nos vaisseaux sans oser venir prendre part à la lutte, et, tandis que l’amiral et ses capitaines soutenaient par des prodiges de bravoure l’honneur du pavillon, il s’échappait avec quatre navires qu’il croyait enlever à la destruction et qu’il arrachait à la gloire. L’infortuné Brueys, blessé, ne voulut point quitter le pont de son vaisseau. « Un amiral, dit-il, doit mourir en donnant des ordres. » Un boulet le tua sur son banc de quart. L’intrépide capitaine Dupetit-Thouars avait deux membres emportés ; il se fit donner du tabac, refusa, à l’exemple de son chef, d’abandonner son poste, et comme lui fut frappé par un boulet. D’autres actes d’héroïsme vengèrent encore l’honneur du drapeau, mais ne purent qu’illustrer notre désastre. Vers onze heures, le magnifique vaisseau l’Orient sauta en l’air avec une épouvantable explosion. Tous les autres furent détruits ; Nelson lui-même avait reçu des atteintes si terribles, qu’il n’osa poursuivre les vaisseaux emmenés par Villeneuve.

Telle fut cette célèbre bataille d’Aboukir, la plus désastreuse que la marine française eût encore perdue, et celle dont les conséquences militaires devaient être si fatales. Elle enfermait les Français en Égypte et les y abandonnait à eux-mêmes ; elle dépouillait la France, au profit de l’Angleterre, de tout son ascendant en Orient, et, ce qui était plus triste peut-être, elle jetait dans l’esprit d’un grand nombre de nos marins ce déplorable sentiment d’infériorité dont Nelson devait encore recueillir les fruits à Trafalgar.

— La seconde bataille d’Aboukir, livrée le 25 juillet 1799, a laissé pour nous des souvenirs plus glorieux. Bonaparte ayant appris le débarquement, dans la rade d’Aboukir, d’une armée turque de 18,000 soldats d’infanterie, s’avança aussitôt pour la combattre, à la tête de 6,000 hommes seulement. Cette armée, composée de janissaires, avait une artillerie nombreuse et bien servie, et était commandée par des officiers anglais. Fortement retranchée dans le village d’Aboukir, elle pouvait opposer une résistance meurtrière. Mais, à la voix de Bonaparte, les généraux Destaing, Lannes et Murat s’élancent avec intrépidité contre les retranchements, et, après un combat acharné de quelques heures, les Turcs sont précipités dans la mer. Plus de 12,000 cadavres flottèrent bientôt dans cette rade d’Aboukir, qui naguère avait été couverte des corps de nos marins ; les autres avaient péri par le fer ou par le feu. Pour la première fois peut-être, dans l’histoire de la guerre, on avait vu une armée détruite tout entière. C’est dans cette occasion que Kléber, arrivant à la fin du jour, enleva Bonaparte dans ses bras en s’écriant : « Général, vous êtes grand comme le monde ! »

Aboukir (bataille d’), tableau de Gros, Musée de Versailles.

La Bataille d’Aboukir, qui fit sensation dans le monde artistique, parut au salon de 1806. Contrairement à l’habitude qu’ont les peintres de batailles, Gros n’a pas peint un épisode, mais un combat tout entier. « La Bataille d’Aboukir, dit B. Delestre, n’est pas une improvisation, comme on pourrait le croire en ne considérant que la facilité d’un travail rapide et conduit dans toutes ses phases avec le même esprit et le même enthousiasme. Gros n’a pas reproduit au hasard les masses qui forment les divers épisodes de sa composition ; il a procédé tout autrement : c’est sur le plan des lieux, mis en perspective, et du point de vue déterminé par l’aspect le plus favorable à son but, que l’artiste a établi ses lignes, et c’est dans l’exposé des faits qu’il a puisé ses poétiques conceptions. Six mois à peine lui furent nécessaires pour l’exécution de ce tableau, où tout ce qui tient à la vérité des incidents et des costumes est strictement observé. » La Bataille d’Aboukir fut rachetée du roi de Naples, en 1825 par Gros et M. Chaptal fils, pour la somme de 15,000 fr., et c’est de leurs mains qu’elle est passée dans la collection de la liste civile.

ABOUL-ABBAS (ab-bass), premier calife de la dynastie des Abbassides. Sa domination s’établit par le meurtre de presque tous les Omniades (750).

ABOULAZA s. m. (a-bou-la-za). Bot. Arbre de Madagascar, employé par les naturels de cette île contre les maladies du cœur.

ABOULER v. a. ou tr. (a-bou-lé — rad. boule). Triv. et pop. Apporter sans délai ; donner tout de suite, sans remise, sans répit, à toute force : Aboule-moi le reste de ce flacon de tafia. (Dumanoir.) Si elle pouvait abouler du quibus en attendant les restes de Maupin. (Lauzanne.) Si vous avez deux billets de mille francs, passez à votre caisse et aboulez les noyaux. (E. Sue.)

— On l’emploie aussi absol. : Aboule, c’est-à-dire, Donne, apporte.

— Signifie encore Arriver : Maintenant, Poupardin et sa fille peuvent abouler quand bon leur semblera. (Labiche.) || Ce mot appartient à l’ancien argot, et s’emploie encore dans la langue du peuple de Paris. Il tire son étymologie de boule, parce qu’en effet abouler c’est rouler comme une boule.

ABOULFARADJE (Gregorius Abulfaragius), célèbre historien et médecin de la secte des chrétiens jacobites, né à Malatia en 1226, mort en 1286, étudia d’abord la médecine, puis les langues arabe et syriaque, la philosophie, l’histoire naturelle et la théologie. Il devint successivement évêque de Gouba, d’Alep, et primat des jacobites d’Orient. Il a composé deux Chroniques ou Histoires universelles.