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XIV
PRÉFACE.


comédies et à nos romans. L’ouvrage de Richelet est tombé dans le plus profond oubli, et il n’est plus apprécié que par nos savants bibliophiles et nos fins amateurs, qui en payent un exemplaire jusqu’à 100 fr. dans nos ventes publiques. Cet ouvrage a eu de nombreuses éditions expurgées ; mais le rara avis est toujours l’édition de Genève.

Dictionnaire de Trévoux, ainsi nommé de la ville d’où sortit la première édition ; 1704, 3 vol. in-folio, réimprimé pour la cinquième et dernière fois en 1771, 8 vol. in-folio.

On sait que Trévoux était autrefois le siège d’une célèbre Académie de pères jésuites. Là se trouvaient les pères Buffier, Bougeant, Castel, Ducerceau, Tournemine, etc. On connaît les épigrammes de Boileau contre les savants religieux, qui l’avaient attaqué au sujet de ses nombreuses imitations des poètes anciens. Scarron leur rendit justice à sa manière dans son Virgile travesti :

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À Rome, au pays de Cocagne.
Je veux dire dans le Pérou,
Ou dans la ville de Trévou,
Ville à présent de conséquence,
L’un des bureaux de la science,
Une boutique à beaux écrits,
Le réservoir des beaux esprits,
Et la célèbre Académie
Des sciences rimant en mie ;
Enfin, l’Athènes de nos jours.
Mais retournons à mon discours.

C’est de cet asile studieux que sont sortis les Mémoires dits de Trévoux. Mais ce qui a surtout illustré la petite ville du département de l’Ain, c’est le dictionnaire qui porte son nom. Cet ouvrage était dédié par les jésuites au duc du Maine, prince souverain de Dombes, qui avait mis au service des révérends pères son imprimerie de Trévoux. Ce dictionnaire a joui d’un grand crédit auprès des lexicographes français et étrangers ; on peut blâmer l’inexactitude des définitions, le choix peu judicieux des exemples ; mais il n’en reste pas moins vrai que tous les auteurs de dictionnaires et d’encyclopédies ont puisé à pleines mains dans cet immense arsenal. Dans la préface de la quatrième édition, les auteurs disaient, en parlant de leur ouvrage : « Les amateurs du vieux style peuvent y satisfaire leur curiosité sur la plus grande partie des mots hors d’usage qui se lisent dans les auteurs anciens, et qui ont souvent plus de force et d’énergie que ceux qu’on leur a substitués. On n’y a pas oublié les mots de conversation ; ceux qui ne sont en usage que parmi le peuple ou dans les provinces, et qu’on ne trouve pas ordinairement dans les autres dictionnaires. » Outre Furetière, Basnage, Richelet et l’Académie, les auteurs ont appelé à leur aide Ménage, Du Cange, Saumaise, Vossius, Ferrari, Caseneuve, Guichard, le père Thomassin, Pasquier, H. Estienne, et autres lexicographes et grammairiens. Une grande partie des articles de botanique fut revue par le professeur Jussieu, de l’Académie des sciences.

Le Dictionnaire de Trévoux n’est-il, comme on l’a dit, qu’une réimpression du dictionnaire de Furetière, refondu par Basnage de Beauval ? Presque toutes les biographies l’assurent, et ce témoignage s’appuie sur l’affirmation singulièrement hasardée du père Niceron, qui dit dans ses Mémoires : « Tout y est semblable, méthode, orthographe, exemples… ; on y a laissé jusqu’aux fautes d’impression ; il y a, à la vérité, quelques additions, dont la plupart sont entièrement étrangères au dictionnaire. » Ce reproche pouvait être fondé quant à la première édition ; mais la cinquième n’offre aucun rapport avec le lexique de Furetière revu par Basnage : c’est un édifice entièrement nouveau, élevé sur l’ancien plan. Sans doute, le Dictionnaire de Trévoux a considérablement vieilli ; mais il serait injuste de contester les services qu’il a rendus à la langue et aux écrivains.

Dictionnaire universel de la langue française, par Boiste, 1800, in-4o. Ce dictionnaire, dont l’auteur a voulu faire une espèce d’encyclopédie philologique, est tout à la fois un traité de grammaire et d’orthographe, un manuel de vieux langage et de néologie. Il est suivi d’un dictionnaire des synonymes, d’un dictionnaire des difficultés de la langue française, d’un traité des tropes, d’un traité de la ponctuation, d’un essai sur l’usage des lettres capitales, d’une table des conjugaisons, d’un traité de la versification française, d’un dictionnaire des rimes, d’observations sur la prononciation, d’un dictionnaire des homonymes et des paronymes, d’un vocabulaire de mythologie, d’histoire et de géographie ; enfin, d’une nomenclature des termes d’histoire naturelle et de médecine. C’est un travail très-estimable, dont la nomenclature est beaucoup plus complète et beaucoup plus riche que celle de l’Académie. Mais cet ouvrage ne saurait faire autorité ; il donne une foule de mots qui ne sont ni de la langue ni de l’usage ; ses étymologies, dont aucune n’est raisonnée, ne sauraient avoir la moindre valeur ; ses définitions, toujours extrêmement courtes, éclairent peu la signification des mots ; il laisse trop à deviner ; les diverses figures qu’il em-