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Gozlan.) h Quelques-uns, francisant le mot et conformant l’orthographe à la prononciation, écrivent aile.

— Homonymes. Aile, elle.

ALEA, surnom sous lequel Minerve était révérée à Aléa en Arcadie, à Tégée et à Mantinée. Son temple de Tégée était le plus magnifique du Péloponèse. Après sa victoire sur Antoine, Octave enleva la statue d’ivoire de la déesse, pour orner le forum qu’il avait faitconstruire.

ALÉA s. m. (a-lé-a — du lat. aléa, jeu de hasard). Mot latin, néologisme qui a passé dans notre langue et <jui signifie Chance, hasard : H y a de î’aléa dans l’affaire que vous me proposes.

ALEA JACTA EST1 Mots lat. qui signif. le sort en est jeté ! Exclamation fameuse prononcée par César au moment de franchir le Rubicon et de se mettre ainsi en guerre ouverte avec la république. (V. Rubicon.) Ce mot, qui est devenu la devise de ceux qui semblent s’en rapporter au sort dans une circonstance décisive, a été commenté ainsi par M. de Lamartine :

■ Allons donc, s’écria César, comme s’il cédait à l’obsession de sa fortune, eKcomme s’il croyait aux prodiges, allons où nous appellent la voix des oieux et l’iniquité de nos ennemis. Aléa jacta est, le sort en est jeté ! >

Mot irrévocable prononcé depuis par tous les hommes qui, ne trouvant plus de fond dans leurs pensées et contraints de choisir entre deux périls suprêmes, prennent leur résolution dans leur caractère, ne pouvant la prendre ailleurs, et se jettent a la nage sur le Rubicon du hasard pour périr ou pour se sauver par le

Le mot de César est l’objet de fréquentes allusions en littérature :

« De tous les ministres, M. Guizot, M. Dumon et M. de Salvandy étaient encore les seuls qui siégeassent au banc du gouvernement en février 18(8. Interrogé par plusieurs députés sur la gravité de la situation, l’un d’eux, M. Guizot, répondit en levant les bras au ciel : Àlea jacta est.’ » Sarrans.

« Celui qui écrit est comme un malade qui ne sent pas, et celui qui lit peut donner des conseils au malade. Ceux que vous me donnez sur Adélaïde sont d’un homme bien sain ; mais, pour parler sans figure, je ne suis plus guère en état d’en profiter. On va jouer la pièce : Jacta est aléa ! »

Voltaire, Lettre à M. de Cideville.

  • Tout occupé des grands projets qu’il avait

formés, Triptolème pensait moins à l’appétit que son voyage lui avait donné, qu’à sa grande entreprise de civiliser les mœurs et de perfectionner la culture des terres dans les îles Shetland. ■ Alea jacta est ! se dit-il à lui-même ; ce jour va prouver si les Shetlan ■ dais sont dignes des travaux auxquels nous « nous dévouons pour leur bonheur, ou si

■ leur esprit est aussi peu susceptible de culture que leurs tourbières. >

Walter Scott.

ALÉANDRE (Jérôme), savant cardinal, érudit lexicographe, né en 1480 dans la Marche trévisane, mort en 1545. Appelé en France par Louis XII, il professa les belles-lettres à l’université de Paris, dont il devint recteur, fut nommé par Léon X bibliothécaire du Vatican, signala son éloquence contre Luther à la diète de Worms, à laquelle il assistait en sa qualité de nonce de l’Allemagne, et suivit François Ier à Pavie, où il fut Tait prisonnier avec le roi de France. Paul III le décora de la pourpre. Ses écrits sont oubliés aujourd’hui.

ALÉANDRE (Jérôme), connu sous le nom d’Aléandre Junior, petit-neveu du précédent, né en 1574, mort à Rome d’un excès de table en 1629. Il était antiquaire, poëte, littérateur et jurisconsulte. On a de lui un Commentaire sur les Institutes de Caïus, et des explications sur les antiques, ouvrage très-remarquable pour son temps. Ses poésies latines et italiennes sont assez estimées. Le cardinal Barberini, dont il était le secrétaire, lui fit faire des funérailles magnifiques.

ALÉATOIRE adj. (a-lé-a-toi-re — du lat. aleatorius, tiré de alea, jeu de dés). Se dit de toute convention dont les résultats, quant aux avantages ou aux pertes, dépendent d’événements incertains : Ventes, contrats aléatoires. L’assurance est un contrat aléatoire. Vendre une récolte avant qu’elle soit mûre est une vente aléatoire. Bien n’atteste mieux à la fois l’audace et les ressources de l’esprit humain que la théorie des contrats bienfaisance par l’appât d’un lucre

(Ein. de la Bédoll.) Sur quoi fondez-vous cette

proposition aléatoire ? (Balz.) Elle attend

la bonté pour la glc V. Hue

— s. m. Qualité de ce qui est aléatoire, incertain : L’aléatoire d’un marché. Le salariat est ce degré intermédiaire qui sépare I’a- léatoire de la stabilité. (Fr. Bastiat.)

— Bncycl. En droit on appelle contrat aléatoire, une convention réciproque dont les effets, ’quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l’une ou plusieurs d’entre elleSj dépendent d’un événement incertain. Parmi les contrits aléatoires, il en est que la loi ne reconnaît pas, et pour lesquels on ne peut exercer d’action en justice : tels sont les jeux, les paris. D’autres sont parfaitement licites et d’un usage habituel. Les principaux sont : les donations contractuelles que se font d’ordinaire les époux par leur contrat de mariage, et dont l’effet est subordonné au prédécès de l’un d’eux ; les contrats d’assurance soit terrestre, soit maritime, soit sur la vie ; le prêt à la grosse aventure ; enfin le contrat à rente viagère.

ALÉATOIREMENT adv. (a-lé-a-toi-re-man — rad. aléatoire). D’une manière aléatoire.

ALEATORIUM s. m. (a-lé-a-to-ri-omm). Petit endroit réservé dans les grandes maisons, chez les Romains, pour jouer aux jeux de hasard.

. ALEAUME (Louis), poète français, né à Verneuil en 1525, mort en 1596. Ses poésies latines et françaises ont été-recueillies et publiées par son fils. On y remarque surtout le poème latin intitulé.- Obscura Claritas.

ALEBRAN s. m. Chass. V. Albran.

ALEBRANDE s. f. (a-le-bran-do). Ornith. Nom vulgaire de la sarcelle commune.

alebrenne s. f, (a-le-brè~ne.) Erpôt. Nom vulgaire do la salamandre.

ALEGTHÉL-IE s. f. (a-lék-tô-lî — du gr. alektor, coq ; hélios, soleil, parce que cet oiseau se trouve sous l’équateur). Ornith. Sous-genre de l’ordre des gallinacés et do la famille des mégapodes, ne renfermant qu’une espèce, qui habite les Moluques. Le seul individu connu vint, à la suite d’un gros temps, se jeter, épuisé de fatigue, sur le pont de la frégate la Coquille, dans l’expédition de Dumont d’Urvilie.

ALECTO s. f. (a-lèk-to — n. mythol.) Ornith. Genre ayant pour type le tisserin.

— Entom. Genre de coléoptères pentamères, qui habite Cuba.

— Echin. Syn. de comatule.

— Polyp. Genre de polypiers fossiles.

— Arachn. Section du genre mygale. ALECTOIRE adj. (a-lèk-toi-re). V. Alec-

ALECTON, l’une des trois Furies, fille de l’Achéron et de la Nuit. Les poêles disent indifféremment Alecto ou Alecton : Sur le front d’Alecto les couleuvres se taisent.

La Harpe. .... Alçcton sort à ce cri puissant, Alecton qui se plaît au meurtre, aux incendies, Aux basses trahisons, aux noires perfidies.

Delille. Là-dessus son épouse, en habits à’Alecton.

Vient au prétendu mort, approche de sa bière, Lui présente un chaudeau propre pour Lucifer. La Fontaine. ALECTOR s. m. (a-lck-tor — du gr. alektor, coq). Ornith. Nom donné quelquefois au hocco de la Guyane.

— Encycl. Les aleclors constituent un genre de gallinacés, intermédiaire entre les dindons et les faisans. Ils ont la queue large et arrondie, composée de douze pennes grandes et raides, et -sont dépourvus d’éperons. Ils habitent l’Amérique, se tiennent dans les bois, vivent de bourgeons et de fruits, perchent et nichent sur les arbres, sont très-sociables et faciles à domestiquer. On les divise en hoccos, pauxis, guans ou jacous, hoazins et parraquas.

ALECTORIDES s. m. pi. (a-lèk-to-ri-dedu gr. alektor, coq ; eidos, forme). Ornith. Famille d’ôchassiers à bec court, renfermant les genres agami, cariama, glareole, kamichi et chavaria.

ALECTORIE s. f. (a-lèk-to-rî — du gr. alektor ; coq). Bot. Nom collectif sous lequel on désigne certains lichens à fronde cylindrique, très-rameux, qui vivent sur les branches des arbres, en laissant pendre leurs longues divisions cartilagineuses, flexibles et presque capillaires. Les alectories ne constituent pas un genre spécial, mais un état particulier qu’affectent des espèces très-diverses.

alectorien, enne adj. (a-lèk-to-ri-ain, è-ne — du gr. alektor, coq). Qui appartient au coq. Se disait d’une pierre qui se forme, dit-on, dans l’estomac, et, selon d’autres, dans le foie des coqs, et à laquelle on attribuait des propriétés merveilleuses. Dans ce sens,

— Antiq. gr. Jeux atectoriens, Jeux célébrés en Grèce en mémoire do ce que Thémistocle, partant pour combattre les Perses, se servit, pour animer ses soldats, de l’exemple de deux coqs qui combattaient avec acharnement.

alectorolophe s. m. (a-lèk-to-ro-lo-fe — du gr. alektor, coq : lophos, crête). Bot. Genre de plaintes de la famille des personnées, tribu des rhinanthées, formé aux dépens du genre rhinanthe. Il C’est aussi le nom spécifique d’une espèce d’oseille sauvage.

ALE

ALECTOROMANCIE S. f. V. ALECTRYOMANCIE.

ALECTOROMANCIEN. V. ALECTRYOMAN ALECTRE s. f. (a-lèk-tre). Bot. Genre de plantes de la famille des scrofularinées, plus souvent réuni au genre glossostyle.

ALECTRIDES OU ALEGTRYDES S. m. pi.

■ (a-lèk-tri-de — du gr. alektor, coq, et eidos, forme). Ornith. Famille d’oiseaux renfermant le seul genre pénélope ou yacou. ALECTRIMORPHE adj. (a-lèk-tri-mor-fe

— du gr, alektor, coq ; morphè, forme). Ornith. Qui a la forme d’une poule, qui ressemble à une poule..

— s. m. pi. Famille d’oiseaux grimpeurs qui offrent une grande ressemblance avec les poules.

ALECTRURE adj. (a-Ièk-tru-re — du gr. alektor, coq ; aura, queue). Ornith. Qui a les plumes de la queue élargies et disposées en éventail, à peu près comme celles du coq.

— s. m. Syn. de gallite.

ALECTRYDES S. m. pi. V. ALECTRIDES.

ALECTRYOMACHIE s. f. (a-lèk-tri-o-ma-ki

— du gr. alektruân, coq ; machê, combat). Joute de coqs.

ALECTRYOMANCIE s. f. (a-lèk-tri-o-mansî — du gr. alektor^ coq ; manleia, divination). Antiq. gr. Divination dans laquelle les anciens Grecs se servaient d’un coq pour découvrir l’avenir ou savoir le passe. Le coq était placé au milieu d’un cercle divisé en vingt-quatre cases, sur chacune desquelles était inscrite une des lettres de l’alphabet^ et placé un grain d’orge ou de froment. Puis on composait une syllabe ou un mot d’après l’ordre que le coq avait suivi en avalant les grains, n On dit aussi alectoromancie,

ALECTRYOMANCIEN adj. et s. m. (a-lèktri-o-man-si-ain). Qui appartient à l’alectryomancie, qui pratique 1alectryomancie. il On dit aussi alectoromancien.

ALECTRYON s. m. (a-lèk-tri-on — du gr, alektruân, coq). Moll. Section du genre buccin.

— Bot, Genre do sapindacées, de la Nouvelle-Zélande.

ALECTRYON, serviteur de Mars. Ce dieu le changea en coq, parce qu’il l’avait laissé surprendre avec Vénus par le Soleil.

Alectryonie s. f. (a-lèk-tri-o-nî — rad. alectryon). Moll. Genre proposé pour quelques espèces d’huîtres à valves profondément dentelées sur les bords, et qui n’a pas été adopté.

ALEF s. m. (a-lèfi). Philol. Première lettre de l’alphabet hébraïque. V. Aleph.

ALÉGATE ou ALICATE S. f. (a-lé-ga-te).

Techn. Pince d’émaillour.

ALÈGRE (d’), nom d’une ancienne et illustre maison d’Auvergne, qui date du xine siècle. Les membres les plus connus de cette famille sont : Yves, baron d’Alègre, qui suivit Charles VIII à la conquête du royaume de Naples et fut nommé par Louis XII gouverneur du duché de Milan. Il fut tué en 1512 à la bataille de Ravenne, dont sa valeur contribua beaucoup à assurer le succès ; — le marquis d’Alègre, qui fit assassiner en 1592 François de Montmorency de Hallot ; — Yves d’Alègre, né en 1653, mort en 1733, petit-fils du précédent. Il combattit à Fleurus, où il fut blessé, fit les guerres d’Allemagne et de Flandre, s’empara de Bouchain en 1712, trempa, dit-on, dans la

de familles se sont rendi lèbres par les duels et les assassinats, dont un grand nombre de ses membres furent les auteurs ou les victimes.

ALÉGRIE s. f. (a-lé-grî). Bot. Arbre du Mexique, peu connu, et rapporté avec doute à la famille des tihacées. Ses feuilles sont ovales et dentelées ; ses fleurs blanches et de la grandeur d’une rose.

ALÉIODE s. m. (a-lé-io-de). Entom. Genre d’insectes hyménoptères, de la famillei des ichneumoniens, et qui avait été antérieurement désigné sous le nom de rogas.

ALEIRON ou ALÉRON s. m. (a-lé-rondu lat. ala, aile). Techn. Tringle de bois au moyen de laquelle, avec l’aide de cordes placées dans les trous qui y sont pratiqués, on hausse et on relève les lisses d’un métier à

ALEM s, m. (a-lèmm). Etendard impérial de l’empire turc.

ALEMAN (Louis), connu sous le nom de cardinal d’Arles, né dans le Bugey en 1390, mort en 1459. Evèque de Maguelonne, puis archevêque d’Arles, il fut créé cardinal par Martin V, joua un rôle important dans le concile de Bàle, fit déposer le pape Eugène IV et placer la tiare sur le front d’Amédée VIII, duc de Savoie, qui prit le nom.de Félix V. Toutefois, pour mettre fin au schisme, il finit par engager lui-même ce prince à abdiquer.

ALEMAN (Mathieu), écrivain espagnol, né à Séville, vers le milieu du xvi» siècle, moi-t au Mexique vers 1620. Il fut pendant vingt ans contrôleur des finances de Philippe II, et se rendit célèbre par son roman de Guzman d’Alfarache, qui parut à Madrid en 1599, et obtint un succès presque égal à celui de Don

ALE

Quichotte, publié cinq ou six ans plus tard. Il a été plusieurs fois traduit en français. a version de Le Sage est une imitation libre plutôt qu’une traduction.

ALEMANN1 ou ALAMANNI, nom donné primitivement à une confédération guerrière de plusieurs tribus allemandes, qui parurent sur le Mein au commencement du iw siècle après. J.-C. Successivement repoussés par Caracalla en 211, par Alexandre Sévère quelques années après, par Maximin en 236. par Posthumius, par Prôbus en 282, ils parvinrent enfin à s’établir entre le Mein et le lac de Constance. Vaincus par Julien, ils s’unirent au ve siècle à divers autres peuples, tels que les Suèves et les Souabes, s étendirent jusqu’au Rhin et aux montagnes des Vosges, mais n’en furent pas moins écrasés par Clovis à Tolbiac, en 496.

ALÉMANNIE ou ALAMANNIE, vaste duché formé pendant le veetle vie siècles par les Alemans, confondus avec les Suèves. Ce duché comprenait la belle vallée du Rhin, et s’étendait du mont Saint-Gothard au Mein, et des Vosges jusqu’aux Alpes.

ALÉMANNIQUE OU ALAMANNIQUE adj.

(a-lé-ma-ni-ke). Géogr. Qui a rapport à l’Alemannie ou à ses habitants : Les tribus alé-

Dialecte alémannique, Ancien d...

langue allemande, qui était parlé en Souabc et dans une partie de l’Alsace et de la Suisse. C’est dans ce dialecte que sont écrites la plupart des poésies légendaires de l’Allemagne.

ALEMANS s. m. pl. (a-le-man — de l’anc. allem. alle, tout ; mannen, hommes, gens de toute origine). Peuplade germanique, établie entre le Mein, le Rhin et le Danube, et composée de plusieurs tribus, telles que les Teuctères et les Usipiens, etc. Après avoir battu plusieurs fois les légions romaines, ils furent refoulés au delà du Rhin qu’ils avaient traversé, reconquirent une certaine importance au ve siècle, et furent vaincus et dispersés par Clovis, à la bataille de Tolbiac.


ALEMANUS, l’Hercule des anciens Germains, était roi des Boïens, qui en firent, après sa mort, leur dieu de la guerre. Ils l’invoquaient et chantaient ses louanges avant les batailles. Il était surtout révéré aux environs de Ratisbonne et en Franconie.


ALEMBERT (Jean le Rond d’), géomètre, littérateur, et l’un des hommes les plus illustres du XVIIIe siècle, né à Paris, le 16 novembre 1717. Il était enfant naturel de Mme de Tencin et d’un commissaire d’artillerie nommé Destouches, et avait été exposé dès sa naissance sur les marches de la chapelle de Saint-Jean-le-Rond, près de Notre-Dame. Le commissaire du quartier le confia à la femme d’un pauvre vitrier, qui fut sa nourrice, et qu’il ne cessa jamais de considérer comme sa véritable mère. Au reste, son père répara autant qu’il le put cet abandon, en lui assurant, sans se dévoiler, une rente de douze cents livres. À douze ans, le jeune d’Alembert entra au collège des Quatre-Nations, pour y achever ses études. Parvenu à la classe de philosophie, il écrivit sur l’Épître de saint Paul aux Romains un commentaire qui fit sensation parmi ses maîtres, jansénistes ardents. Ils crurent avoir trouvé en lui le germe d’un nouveau Pascal, et s’efforcèrent de diriger ses facultés vers l’étude de la géométrie, sans doute pour compléter l’analogie. Mais son génie trouvant dès lors sa voie, il ne fut plus possible de le détacher de cette étude, et il abandonna pour jamais la théologie. Au sortir du collège, il revint auprès de sa nourrice. Il y vécut plus de trente années, dans la même simplicité, et cachant si bien sa gloire dans sa familiarité, suivant l’expression de Condorcet, que cette bonne femme ne s’aperçut jamais qu’il était un grand homme. Quant à la réponse qu’on lui prête : « Ma vraie mère, c’est celle qui m’a nourri de son lait ; je n’en connais point d’autre, » elle est vraisemblable, si l’on en juge d’après sa conduite noble et touchante ; pourtant il convient de dire que Mme de Tencin ne lui a jamais fourni l’occasion de prononcer cette parole, et n’a jamais revendiqué ses droits de mère. La nécessité de s’assurer une position dans le monde le décida à étudier successivement le droit et la médecine ; mais, heureusement pour la science, sa passion pour les mathématiques l’entraîna, et, prenant courageusement son parti sur la pauvreté qui l’attendait dans cette carrière, il s’y voua irrévocablement. Ses premiers pas furent décisifs et le placèrent au rang des maîtres. Un Mémoire sur le calcul intégral (1739) ; un autre sur la réfraction des corps solides (1741), où il examine le mouvement d’un corps solide qui passe, suivant différentes directions, d’un fluide dans un autre, firent admettre dans l’Académie des sciences le jeune géomètre, qui n’avait pas encore vingt-quatre ans. Deux années après, il publia son principal ouvrage, son Traité de dynamique (1743). Le problème de la composition des mouvements comprend deux cas distincts, celui où les mouvements composants se détruisent les uns les autres, et celui où, sans se détruire absolument, ils produisent un mouvement final. De là la statique et la dynamique : or, d’Alembert, considérant les forces en équilibre comme des mouvements empêchés, fit voir que la statique n’est qu’un cas particulier de la dynamique, le cas où, étant donnés plusieurs mouvements dépendant les uns des autres, on parvient à déterminer les circonstances ou les conditions qui les font aboutir à