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XXXV
PRÉFACE.

la culture l’ont faite au xviiie siècle, il ne comprend rien à l’essor spontané, naïf, et, chez les premiers peuples, illimité des sentiments qui ont engendré les mythologies en même temps que les langues. Ne lui demandez pas surtout de la justice, de l’impartialité pour le christianisme, pour tout ce qui touche de près ou de loin à l’Écriture et à l’Église. En face du christianisme, Voltaire cesse d’être un critique, un philosophe, il cesse même d’être un artiste ; il est un homme d’action, un homme de guerre, un pamphlétaire ; tout devient arme entre ses mains ; chaque mot fait sa blessure. En cela, il encourt le reproche, qu’on peut faire à toute polémique, de s’inquiéter plutôt du succès des arguments que de leur valeur, de poursuivre plutôt la victoire que la vérité.

France littéraire ou Dictionnaire bibliographique des savants, historiens et gens de lettres de la France, ainsi que des littérateurs étrangers qui ont écrit en français, plus particulièrement pendant les xviiie et XIXe siècles, par M. Quérard. Paris, Didot, 1826-1842, 10 vol. <span style="white-space:nowrap;"><abbr class="abbr" title="in-octavo">in-8<sup style="font-size:70%;">o, à 2 col., augmentée de deux vol. par MM. Ch. Louandre et Félix Bourquelot. Cet ouvrage est un véritable travail de bénédictin. L’idée appartient à l’Allemagne. Elle consistait à refaire, à corriger et à compléter jusqu’à nos jours les ouvrages des abbés de Laporte et d’Hébrail, et celui d’Ersch, connu sous le nom de France littéraire (1797-1806, 5 vol. <span style="white-space:nowrap;"><abbr class="abbr" title="in-octavo">in-8<sup style="font-size:70%;">o). Le plan de M. Quérard était immense ; deux tables devaient le terminer : l’une, des ouvrages anonymes, plus ample pour la partie française que l’ouvrage de Barbier traitant de cette branche bibliographique ; l’autre, analytique, présentant tous les noms de lieux, d’hommes, de faits et de choses, autant de bibliographies particulières. Livré à ses seules forces, l’infatigable bibliographe n’a trouvé des encouragements qu’auprès de M. Guizot, ministre au lendemain de 1830, et auprès d’un bibliophile russe, M. Poltoratzki. Le gouvernement de Charles X n’avait pas donné son concours, et l’administration de la Bibliothèque royale, dont le catalogue est un problème d’histoire, repoussa à diverses reprises un homme dont la collaboration eût servi si utilement les intérêts du public.

De 1845 à 1856, M. Quérard a donné à sa France littéraire un supplément des plus intéressants, 5 vol. sous le titre de Supercheries littéraires dévoilées, galerie des auteurs apocryphes, supposés, déguisés, plagiaires, pendant les quatre derniers siècles. Ce recueil est une mine de faits curieux, de traits comiques et d’anecdotes dont le premier mérite est d’être authentiques. L’article relatif à M. Alexandre Dumas père servira à l’amusement et à l’instruction de la postérité. Ce dernier ouvrage de M. Quérard était une publication compromise, si la libéralité intelligente de M. Poltoratzki n’avait permis de faire face aux frais onéreux de l’entreprise. Ainsi, c’est à la générosité d’un étranger, d’un sujet russe, que la France doit l’achèvement d’un travail qu’on peut appeler les archives de sa littérature.

Les immenses travaux de cet homme laborieux, aussi savant que modeste, étaient restés sans encouragements efficaces de la part du gouvernement, depuis M. Guizot. L’honorable M. Duruy, ministre de l’Instruction publique, meilleur appréciateur que ses prédécesseurs des travaux du genre de ceux de M. Quérard, a réparé le regrettable oubli dans lequel avait été laissé cet infatigable travailleur, en doublant l’indemnité littéraire que notre bibliographe avait obtenue en 1830, en souscrivant pour un certain nombre d’exemplaires à la deuxième édition de ses piquantes Supercheries littéraires dévoilées (juillet 1865), et en le faisant nommer chevalier de la Légion d’honneur (15 août 1865), en récompense de quarante années de travaux aussi persévérants que désintéressés.

Au moment où nous corrigeons les épreuves de cette page, nous apprenons la mort de Quérard, notre ami, notre collaborateur et notre voisin ; car c’est presque toujours dans ce vieux quartier des écoles que vivent, travaillent, souffrent et meurent les pionniers de la science philologique et biologique. Il y a quinze jours à peine, il nous communiquait une note extrêmement intéressante sur les encyclopédistes, l’opinion de Robespierre ; remercions-l’en ici publiquement ; car Quérard, qui était avare de ses trésors bibliographiques comme un Turc de son odalisque préférée, avait fait une exception pour le Grand Dictionnaire ; il lui est arrivé plusieurs fois de nous laisser seul au milieu de son harem, où tout est aujourd’hui rangé, étiqueté d’une façon qui saura tenter, nous l’espérons bien, un de nos intelligents éditeurs. Si, en ce moment, nous n’étions pas nous-même écrasé par un fardeau qui courbe un homme jusqu’à terre, c’est un honneur que nous ne laisserions à aucun autre.

Encyclopédie des gens du monde, répertoire universel des sciences, des lettres et des arts, avec des notices historiques sur les personnages célèbres morts et vivants, par une société de savants, de littérateurs et d’artistes français et étrangers (Paris, Treuttel et Würtz, 1831-1844, 22 vol. in-8<sup style="font-size:70%;">o). Cette encyclopédie, dont l’apparition ne précéda que de quelques mois celle du Dictionnaire de la conversation, est moins complète, mais généralement plus estimée que ce dernier ouvrage. On y remarque plus d’unité dans les principes, dans les idées qui ont présidé à la rédaction. « Nous éviterons deux écueils, est-il dit dans le Discours préliminaire : l’hésitation et l’inconstance dans les vues d’un côté, et de l’autre le dogmatisme ou des opinions exclusives. Notre tâche, à nous, c’est d’exposer les questions plutôt que de les trancher ; nous rapporterons les idées produites à différentes époques plutôt que nous n’établirons les nôtres ; nous constaterons ce qui aura été fait et écrit, sans décider ce