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berté et la vie du débiteur. La misère du peuple croissant sons une loi si dure, une révolte était inévitable. Déjà les murmures éclataient au sein de la foule, lorsqu’un homme parut sur le Forum, pâle, effrayant Je maigreur. C’était un des plus braves centurions de l’armée romaine ; il avait assisté à vingt-huitbatailles. Il raconta que, dans la dernière guerre, l’ennemi avait brûlé sa maison, sa récolte, et pris son troupeau. Pour vivre, il avait emprunté ; et l’usure, comme une plaie honteuse, dévorant son patrimoine, avait atteint jusqu’à son corps ; son créancier l’avait emmené chargé de fers et déchiré de coups.

À cette vue, l’exaspération fut au comble, et un messager étant venu annoncer une incursion des Volsques, les plébéiens refusèrent de s’armer. Ils ne cédèrent que quand le consul Servilius eut promis qu’après la guerre on examinerait leurs plaintes, et que tout le temps qu’elle durerait les débiteurs seraient libres. Sur cette assurance, le peuple s’arma ; précédemment, les Voslques avaient donné trois cents otages ; Appius les fît décapiter, puis Servilius marcha sur Suessa Pometia, qui fut prise, et dont il distribua le butin à ses soldats. Mais quand l’armée victorieuse rentra dans Rome, le sénat refusa d’accomplir les promesses du consul. Les pauvres se retrouvèrent à la merci de l’impitoyable Appius, et, de nouveau, les ergastula se remplirent. En vain, le peuple réclama à grands cris ; Appius était inflexible, et, pour eflrayer la multitude, il fit nommer un dictateur ; mais le choix tomba sur un homme d’une famille populaire, Manius Valérius, qui renouvela les engagements de Servilius, et, avec une armée de 40,000 plébéiens, battit les Volsques, les Eques et les Sabins. Le peuple croyait avoir conquis, cette fois, l’exécution des promesses ■ consulaires ; on le trompa encore : quelques pauvres seulement furent, dit-on, envoyés comme colons à Velitres. Valérius, indigné, abdiqua, et, pour prévenir une révolte au Forum, les consuls de l’an 493, s’autorisant du serinent militaire prêté à leurs prédécesseurs, forcèrent l’armée à sortir de la ville. Mais, hors des portes, les plébéiens abandonnèrent les consuls et allèrent, sous la conduite de Sicinnius Bellutus et de Junius Brutus, camper au delà de l’Anio, sur le mont Sacré ; ceux de Rome se retiraient dans le même temps, avec leurs familles, — sur l’Aventin, la plus forte position de la ville après le-Capitole. L’oligarchie patricienne, épouvantée, n’osa pas sévir. Il y avait alors à Rome un patricien d’origine plébéienne, nommé Ménénius Agrippa. Ménénius était aimé de la plèbe, car il avait toujours déploré la rigueur dont on usait envers le peuple. Il proposa d’envoyer des députés vers ces malheureux, pour essayer de les ramener par la persuasion. C’est alors que, chargé lui-même de porter la parole dans cette ’ circonstance importante, il raconta au peuple l’apologue des Membres révoltés contre l’Estomac.

Cet apologue, rapporté par Denys d’Halioarnasse, Tite-Live et Florus, ramena le peuple à des sentiments moins hostiles ; mais, pour prix de sa soumission, il exigea l’abolition des dettes et la création de magistrats choisis dans son sein et chargés de veiller à ses intérêts. Ce furent les tribuns du peuple.

Cet épisode de l’histoire romaine a donné lieu à deux allusions qui sont corrélatives :, 5e retirer sur le mont Aventin.— Les Membres et l’Estomac, auxquelles les écrivains recourent quelquefois :

« Quand par hasard la race asservie se révolte pour réclamer ses droits, ou simplement pour demander du pain et du travail, les délégués de la classe victorieuse lui répondent par X’apologue insolent de Ménénius Agrippa : «Nous, le sénat romain, les patriciens, ou les lords d’Angleterre, ou les magnifiques seigneurs de Venise, nous sommes l’estomac du corps social, dont la fonction est de digérer la substance du travail public ; vous, le peuple, les manants, vous êtes les jambes et les bras condamnés au travail et à ta peine, et chargés par Dieu d’alimenter nos loisirs. Travaillez donc et bénissez-nous, au lieu de vous révolter et de vous plaindre. • Toussenel.

Abélard avait son école, son camp, comme 11 l’appelle, sur la montagne, alors presque solitaire, où s’élève aujourd’hui le temple de Sainte-Geneviève. Ce fut le mont Aventin d’un peuple de disciples quittant les écoles anciennes pour venir écouter la parole jeune et hardie d’Abélard. » - Lamartine.

« La grève est à l’ordre du jour parmi les ouvriers. Dans quelques localités, les boulangers refusent de faire du pain ; les tailleurs imitent les boulangers ; les cordonniers suivent l’exemple des tailleurs, et se retirent sur le mont Aventin. » Alphonse Karr.

■ C’était le plus souvent sur l’emplacement de la Bastille, ce mont Aventin du peuple, camp national, où la place et les pierres, lui rappelaient sa servitude et sa force, que des masses aveugles, prêtes à l’action, se réunissaient à l’appel de leurs chefs. «

Lamartine. . > Les élèves de Sabote-Barbe, à l’approche d’un jour de congé, — eurent l’idée de demander

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au Théâtre-Français une représentation exprès pour eux. Interdiction de cette représentation par la police. Que vont faire les barbistes’Ils se retirent sur le mont Aventin de toutes les émeutes bourgeoises, chez un restaurateur, et là... ils dînent. »

/ Louis Veuillot.

Comme on le voit, d’après toutes les phases que nous venons de citer’, c’est sur le mont Aventin que les écrivains placent la scène sur laquelle Ménénius harangua la plèbe révoltée. Il y a là une erreur historique, ou, si l’on aime mieux, topographique. C’est, en réalité, sur le mont Sacré, parfaitement distinct du monl Aventin, qu’eut lieu cette retraite célèbre, et Robespierre, que ses ennemis ont tant accusé de n’avoir jamais lu que le Contrat social, est, de tous les orateurs et de tous les écrivains, le seul qui ne s’y soit pas trompé :

« Ne cherchez pas le salut de la liberté dans une prétendue balance des pouvoirs. C’est la tyrannie elle-même qu’il faut extirper ; c’est le peuple qu’il faut mettre à la place de ses maîtres et de ses tyrans 1 Je n’aime point que le peuple se retire sur le mont Sacré ; je* veux qu’il reste dans Rome et qu’il en chasse ses oppresseurs 1 Le peuple ne doit avoir qu’un seul tribun, c’est lui-même I »

Discours à la Convention.

AVENTINA, surnom latin de Diane et de Minerve, qui avaient à Rome des temples sur le mont Aventin.

AVENTINUS ou AVENTIN, fils d’Hercule et de Rhéa. Il eut lui-même un fils qui porta le nom de son père, et qui s’allia à Enée contre Turnus. Il fut tué et enseveli sur le mont qui a porté depuis le nom de m’ont Aventin.

À VENT I NUS (Jean), dont le vrai nom était Thuzmayer, chroniqueur bavarois, né en 1466, mort^en 1534, était fils d’un cabaretier d’Abensperg, et devint précepteur des fils du duc de Bavière, Louis et Ernest. Ce fut par ordre de ces princes qu’il composa en latin les Annales de Bavière, ouvrage dont les matériaux ont été puisés à des sources authentiques, et qui est demeuré classique. La première édition est de 1554. Aventinus a donné encore d’autres travaux d’histoire et d’éru AVENTURANT (a-van-tu-ran) part. prés, du v. Aventurer : Ces barbares, nous pouvons les coudoyer en nous aventurant dans les repaires où ils vivent. (E, Sue.)

aventure s. f. (a-van-tu-re — du lat. adoenturus, qui doit arriver, survenir). Ce qui arrive de fortuit, d’inopiné, de surprenant : Aventure heureuse. Aventure fâcheuse. Aventure comique. Aventure romanesque. Aventure imaginaire. Baconter une

surprenantes. (Acad.) Tout le monde prenait plaisir de l’entretenir et l’entendre raconter ses aventures. (Boss.) Il arrive souvent qu’à la lecture d’un roman, les filles se passionnent pour des intrigues, des aventures 'chimériques. (Fén.) On ira encore chercher des leçons de crime dans le récit de vos aventures, et vos désordres ne mourront point avec vous. (Mass.)

prit depuis cette malheureuse aventure. (Mme de Maintenon.) J’ai une véritable joie que cette petite aventure ait pris un tour aussi heureux. (Mme de Sév.) Voilà une belle aventure I si vous la savez, c’est une folie de vous l’avoir mandée. (M™e de Sév.) Les aventures se succèdent les unes aux autres, et le poète n’a d’autre art que de raconter les détails. (Volt.) Remettons-nous pour un instant, et examinons ensemble noire aventure à tête reposée. (Dider.) Parfois, le malheur plait à la jeunesse, comme une aventure. (St-M.-Gir.) Il faut ensevelir cette aventure dans le plus profond silence. (Empis.) Je trouve ^’aventure si drôle, que je ne pourrai jamais le regarder sans y penser, et sans lui rire au nez. (Scribe.) S’il est amusant pour autrui d’inventer des aventures, il est amusant pour soi-même d’en avoir. (V. Hugo.) Bien n’est si mortifiant que d’avoir cru, ne fût-ce que pendant une heure, à une aventure romanesque. (G. Sand.) Nous autres, bénissons notre heureus ? aventure.

On tourne un madrigal, on tourne une aventure.

C. Délavions, Il écoute en pleurant ma touchante aventure. Lamartine. Il faut par la raison adoucir son malheur. Et telle qu’elle vient prendre sou aventure.

Malherbe.

... Sans votre aveu, toute mon aventure

Passerait pour un songe ou pour une imposture.

CORNEILLE.

ta qu’au

Et qu’un fourbe est contraint de prendre de figurei

Molière. Si vous saviez, Psyché, la cruelle aventure Que par là vous vous attirez !

Moliè&e.

Qui tient de près à. l’humaine nature.

La Fontaihb. Rencontrer en ces lieux l’adorable Eliante, Mais ne trouves-tu pas l’aventure charmante ? Col. d’IIaeleville.

Oubliez, s’il se peut, que je vous ai parlé, Madame, et que jamais une bouche aussi pure Ne s’ouvre pour conter cette horrible aventure.

À qui des deux aurait plus de bonheur, Et trouverait la meilleure aventure.

La Fontaine, — Entreprise hasardeuse, périlleuse, et qui, cependant, peut offrir quelque attrait : Aimer, chercher les aventures. Aller aux aventures. Courir les aventures, après les aventures. Mettre à fin une aventure. Cette aventure était réservée à tel clœvalier. (Acad.) Cette aventure d’Égypte change à la fois la fortune et le génie de Napoléon. (Chateaub.) Il va courir quelque méchante aventure, (Andrieux.) L’esprit ^’aventure est dans l’essence même du génie français. (H. de La Madelène.) Don Quichotté brûlait de partir à la quête des aventures. (Viardot.) Ce que je tire au clair de tout ceci, c’est que ces aventures, que nous allons cherchant, nous ramèneront à la fin des fins à de telles mésaventures que nous ne saurons jamais connaître notre pied droit. (Viardot.) Les croisades, cette grande aventure de la féodalité, et sa gloire populaire, finissent à peu près avec saint Louis et le- xni« siècle. (Guizot.) Clarence alla aux Italie, et il y mourut. (Michelet.)

Tous trois étaient blessés, et lui seul sans blessu :

— Par ext. Fait, événement  : Il y a â aventures que Quinte-Curce suppose être a rivées dans une ville, et Plutarque dans u autre. (Volt.)

Dit-on quelle aventure a terminé ses jours ? Oh ! qu’une sagesse profonde

Malherbe.

Préside souveraine Que dire :

5i quelquefc

s future :

Vous réci

De nos abominables jours/

Malherbe.

— Intrigue amoureuse : Auoi’r une aventure, des aventures. Tallemant, qui recueille avec tant de complaisance tous les bruits propres à grossir sa chronique scandaleuse, ne prête à madame de Vertus aucune aventure. (V. Cous.)

Ayez une aventure, on vous en prête cent.

Desmauis.

— Destinée, sort : Un vieillard qui avait eu la même audace eut aussi la même aventure. (La Bruy.) La Pucelle et Rodogune méritaient chacune une autre aventure. (La Bruy.)

Vous S !

il n’est prophète

La Fontaine.

Il Ce sens a vieilli.

— Particul. Hasard : C’est grande aventure, si je n’en viens pas à bout. (Trév.) u Ce sens a vieilli, mais il est resté dans les locutions d’aventure, par aventure.

Homme d’aventure, Aventurier : Les autres princes, connus sous le nom de héros ou de princes a"aventure, ne valent rien du tout, (P.-L. Cour.) il Femme à aventures, Femme galante, il Chercher-aventure, Chercher quelque bonne aubaine :

Un agneau se désaltérait Dans le courant d’une onde

Unie

ai cher

La Fontaine. Il Tenter, éprouver l’aventure, Entreprendre une chose très-incertaine : Je vous conseille.

Ma

je me. d<

tirais-tu fait, parjure, îonstre éprouver l’aventure.

Th. Corneille. Il Eprouver l’aventure a été employé aussi pour faire l’essai, l’épreuve : Que fait notre Narcisse ? Il va se confiner Aux lieux les plus cachés qu’il peut s’imaginer, N’osant plus des miroirs éprouver l’aventure.

« Dire la bonne aventure., Annoncer à quelqu’un, en abusant de sa crédulité, ce qui doit lui arriver : Se faire dire la bonne aventure. Il faut que je me fasse dire par elle ma bonne aventure. (Mol.)

Dis-nous notre bonne aventure.

ir elle met sa coiffure.

AVE

V Diseur, diseuse de bonne aventure, Celui celle qui se mêle de prédire l’avenir : Croire aux diseurs, aux diseuses de bonne aventure. Borne alors était pleine d’astrologues et de diseurs de bonne aventure. (Dider.) Il La bonne aventure, ô gué ! Refrain d’une ancienne chanson, qu’on a adapté ensuite à différents couplets :

Je suis un joli garçon De bonne figure,

Qui aima bien le bonbon

— Hist. Nom que l’on donnait aux tournois, il Compagnies d’aventure, Les bandes d’aventuriers qui désolaient la France, au moyen âge.

— Jurispr. anc. Biens acquis par succession ou donation, tl Droites aventures, Biens acquis par succession en ligne directe.

— Comm. Grosse aventure, Contrai de pré à gros intérêt, avec stipulation de perte totale du capital pour certains cas prévus et regardés comme très-possibles. Se dit surtout des prêts faits au commerce maritime, en prévoyant le naufrage comme cas de perte du capital : Donner, prêter, placer son argent à la grosse aventure. L’homme sage, s’il veut risquer avec moins de désavantage, ne doit jamais mettre tous ses fonds à la grosse aventure ; il faut les partager, n On dit aussi la grosse : Placer de l argent à la grosse.

■— Pathol. Mal d’aventure, Nom vulgaire du panaris.

— Géol. Pierre d’aventure, Ancien nom de l’aventurine. %

— Loc. adv. À l’aventure, Au hasard, sans but, sans réflexion : Errer A l’aventure. Écrire À l’aventure. Les choses humaines ne roulent point À l’aventure et au qré de la force. (Vaugelas.) Chacun a la liberté de dire À l’aventure tout ce qu’il pense. (Pasc.) J’ai fait mes ordonnances k l’aventure. (Mol.) La plupart des gens n’ont pas de pri, cipes et vivent À l’aventure. (La Bruy.) Ce discours, jeté a l’aventure, germa dans la suite. (L’abbe de Chois^y.) A’ou.s sommes une troupe d’aveugles

Rouss.) L’imagination est un océan orageux où l’homme navigue souvent À l’aventure ; faut-il donc s’étonner de ses fréquents naufrages ? (S. Dubay.) L’éducation, livrée À l’aventure, tourne contre sa fin. (V Cous.) Dans les premières aimées, rien ne peut être abandonné au hasard, rien ne peut être fait ou essayé k l’aventure. (Dupanl.) // ny a aucun art de composition dans le roman ; rien ne se tient, tout est successif et À l’aventure. (Ste-Beuve.) Elle aimait ses amis et tes défendait, et brisait des lances pour eux A l’aventure. (Ste-Beuve.) Que présage & mes yeux cette tristesse obscure Et ces sombres regards errants à l’aventure f

tdis tous les humains, errant à l’aventure, leur sauvage instinct vivaient abandonnés. J.-B. Rousseau. Ses beaux cheveux, bouclés à l’aventure. Flottaient au vent sous un chapeau de Heur

lui, je vais par les champs m’égarer ou m’assec

D’aventure, par aventure, Par hasard : Si d’aventure, si par aventure on demandait à me voir, dites que je suis absent. Ce n’est que par aventure que l’on m’a adressé à lui. (Mol.)

indre vent qui d’aventure

Vous

it rider

jlige a

Est-il en ce danger d’entendement perclus, Ou si, par aventure, il ne lui souvient plus Que j’ai du sang des siens ses campagnes noyées ?

De petits monstres

pas lequel des deux),

La Fontaine.

— Epithètes. Gaie, joyeuse, charmante, impayable, bizarre, folle, burlesque, singulière, plaisante, extraordinaire, inouïe, inconcevable, inexplicable, brillante, honorable, il-lustre, fameuse, célèbre, glorieuse, funeste, triste, fatale, cruelle, malheureuse, douloureuse, effroyable, horrible, épouvantable, touchante, émouvante, amoureuse, galante, hasardeuse, dangereuse, périlleuse, sotte, niaise, ridicule.

— Encycl. Contrat à la grosse aventure. Ce contrat, appelé aussi prêt à ta grosse, est une convention en vertu de laquelle le prêteur fournit à l’entrepreneur une somme destinée à une expédition maritime, avec désignation spéciale des objets auxquels elle doit* être employée. Ce contrat est soumis & trois conditions : 1" si les objets portés au contrat viennent à- périr en mer, la somme prêtée ne peut être répétée ; 2° si, au contraire, les objets arrivent a bon port, le prêteur, outre